Virginité perpétuelle

Saint Grégoire de Nysse, Sur la Virginité
« Une telle vie doit donc être estimée plus que tout, du moins par les gens sensés, puisqu’elle l’emporte sur la puissance de la mort. En effet la procréation corporelle – que personne ne se choque de mon discours – n’est pas plus principe de vie que de mort pour les hommes, car la corruptibilité commence avec la génération, mais ceux qui ont rompu avec elle ont fixé en eux-mêmes par la virginité une limite à la mort, l’empêchant d’avancer plus loin par leur entremise : ils se sont placés eux-mêmes comme une frontière entre la vie et la mort, et ont contenu celle-ci dans sa poussée en avant. Si donc la mort ne peut passer outre à la virginité, mais trouve là son terme et sa dissolution, il est clairement démontré que la virginité l’emporte sur la mort et qu’on a raison de dire exempt de corruption le corps qui n’a pas travaillé au service de la vie corruptible, et qui n’a pas accepté de devenir l’instrument d’une succession mortelle. Par ce corps en effet, a été interrompue la série continue de corruption et de mort qui s’étend dans tout l’intervalle entre le premier homme et la vie de celui qui pratique la virginité, car il n’était pas possible que la mort un jour restât inactive tant que la génération humaine demeurerait active par le mariage. Mais la mort, qui cheminait avec toutes les générations antérieures et qui accompagne dans leur traversée ceux qui arrivent à chaque instant dans la vie, a trouvé dans la virginité une borne à son action qu’il lui est impossible de dépasser : de même en effet que dans le cas de Marie, Mère de Dieu, quand la mort, après avoir régné d’Adam jusqu’à elle, s’approcha d’elle aussi, et qu’en heurtant contre le fruit de sa virginité comme sur un rocher, elle se brisa sur elle, ainsi en toute âme qui dépasse la vie charnelle par la virginité, le pouvoir de la mort se brise et se dissout en quelque manière, faute d’avoir où enfoncer son aiguillon. C’est que le feu, si on ne lui jette du bois, du chaume, de la balle ou quelque autre matière combustible, n’est pas de nature à s’entretenir sur lui-même. Ainsi la puissance de la mort non plus n’exercera pas son activité, si le mariage ne lui en fournit la matière et ne lui prépare des gens destinés à mourir, tels des condamnés. »

Saint Pierre Chrysologue, Sermon 117
« Où sont ceux qui pensent que la conception et l’enfantement virginaux de son enfant peuvent être comparés à ceux d’une autre femme ? Car ce dernier cas procède de la terre alors que celui de la Vierge procède du ciel. Le premier illustre le pouvoir divin, le second la faiblesse humaine. L’un a lieu dans un corps sujet aux passions ; l’autre dans la tranquillité de l’Esprit divin et dans la paix du corps humain. Le sang était immobile et la chair étonnée ; ses membres étaient au repos et son sein tout entier comme endormi durant la visite du Très-Haut, jusqu’à ce que l’Auteur de la chair se revête de la chair et jusqu’à ce que Celui qui ne devait pas seulement rendre la terre à l’homme mais aussi lui donner le ciel, puisse devenir un homme du ciel. La Vierge conçoit, la Vierge enfante son fils et demeure vierge. »

Saint François de Sales, Sermon pour la veille de Noël (24 décembre 1613)
« Notre-Dame porte en son nom la signification d’étoile de mer ou d’étoile matinière. « Étoile de mer », c’est l’étoile du pôle vers laquelle tend toujours l’aiguille marine ; c’est par elle que les nochers sont conduits sur mer et qu’ils peuvent connaître où tendent leurs navigations. Chacun sait que les anciens Pères de l’Église, les Patriarches et les Prophètes ont tous regardé cette étoile polaire et dressé leur navigation à sa faveur. Ça a toujours été le nord de tous les nochers qui ont navigué sur les ondes de la mer de ce misérable monde, pour s’empêcher des naufrages ordinaires des navigations des mondains.
La très sacrée Vierge est aussi cette étoile matinière (Cf. Nb., XXIV, 17) qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la venue du vrai Soleil (Lc., I, 78). Tous les Prophètes ont su que la Vierge concevrait et enfanterait un enfant (Is., VII, 14) qui serait Dieu et homme tout ensemble ; elle concevrait, mais par la vertu du Saint-Esprit (Lc., I, 35) ; elle concevrait son Fils virginalement et l’enfanterait de même virginalement. Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Notre-Seigneur dût violer l’intégrité de sa Mère, lui qui ne l’avait choisie sinon parce qu’elle était vierge ? Lui qui était la pureté même eût-il pu diminuer ou entacher la pureté de sa très sainte Mère ? Notre-Seigneur est engendré et produit virginalement de toute éternité du sein de son Père céleste ; car si bien il prend la même divinité de son Père éternel, il ne la divise pourtant pas, mais demeure un même Dieu avec lui. La très sainte Vierge produit son Fils Notre-Seigneur virginalement en terre comme il fut produit de son Père éternellement au Ciel, avec cette différence néanmoins, qu’elle le produit de son sein et non pas dans son sein, car dès qu’il en fut sorti il n’y rentra plus ; mais son Père céleste l’a produit de son sein et en son sein, car il y demeurera éternellement. »

Didyme l’Aveugle, Traité du Saint-Esprit
« Cela nous aide à comprendre les termes « premier né » et « fils unique » lorsque l’Évangéliste dit que Marie est restée toujours vierge « depuis qu’elle enfanta son fils premier né » (Matthieu I, 25) ; car Marie, qui doit être honorée et louée plus que tous les autres, n’a du ni se marier à quelqu’un autre, ni devenir la Mère de quelqu’un d’autre, mais même après l’accouchement elle resta toujours et pour toujours une vierge immaculée. »

Tertullien, La chair du Christ
« Il ne convenait pas que le Fils de Dieu naquit d’une semence humaine, de crainte qu’entièrement fils de l’homme, il ne fut pas également fils de Dieu et n’eut rien eu de plus en lui que Salomon ou que Jonas […]. Pour être en même temps fils de l’homme, c’était sa chair, et elle seulement, qu’il devait prendre de la chair de l’homme, sans la semence de l’homme. En effet la semence de l’homme était superflue pour qui avait en soi la semence de Dieu. Ainsi, de même qu’avant de naître d’une vierge, il a pu avoir Dieu pour père sans avoir une mère humaine, de même, en naissant de la Vierge, il a pu avoir une mère humaine sans avoir de père humain. »

Jean-Christian Petitfils, Jésus (Livre III)
« La conception virginale était aussi peu crédible à l’époque qu’aujourd’hui. Elle allait à contre-courant du contexte culturel du Premier Testament, où la virginité était perçue de manière négative. C’est la raison pour laquelle on a longtemps considéré que le vœu perpétuel de virginité prononcé par Marie, tel qu’il découle du texte de Luc, était incompatible avec la mentalité juive, cantonnant la femme dans son rôle de procréateur. On avait de bonnes raisons de penser qu’il s’agissait là d’une invention tardive, jusqu’au jour où, sur un rouleau de Qumrân, on trouva mention de ces vœux de continence, pour des raisons d’oblation religieuse, même à l’intérieur du mariage. Ce texte réagissait à certains excès, ce qui laisse entendre que les cas n’étaient pas si rares : Si une jeune fille a fait un vœu de virginité sans que son père en soit averti, il peut la relever de son vœu. Dans le cas inverse, lui et sa fille sont tenus par ce vœu. Si une femme mariée a prononcé un tel vœu sans que si mari le sache, il peut déclarer ce vœu nul. Si toutefois il est d’accord avec une telle mesure, les deux sont dans l’obligation de le garder. »

Premier concile de Latran
« Si quelqu’un ne confesse pas qu’elle a, dans les derniers temps, conçu du Saint-Esprit sans semence et enfanté sans corruption, sa virginité demeurant inaltérable aussi après l’enfantement, qu’il soit condamné. »

Saint Augustin, Sermon 186
« Réjouissons-nous,mes frères ; que les peuples tressaillent de bonheur et d’allégresse. Ce n’est pas ce soleil visible, mais son invisible Créateur qui a fait pour nous de ce jour un jour sacré ; quand devenu visible pour l’amour de nous, l’invisible Créateur de sa mère est né de son sein fécond sans aucune atteinte à sa pureté virginale ; car elle est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en l’enfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours. »

Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique (IIIa Pars, Question 28)
« ARTICLE 1 : La Mère de Dieu a-t-elle été vierge en concevant le Christ ?
Objections :
– 1. Aucun enfant ayant père et mère n’est conçu d’une vierge mère. Mais on ne dit pas que le Christ a eu seulement une mère, mais aussi un père : « Son père et sa mère étaient dans l’étonnement de ce qui se disait de lui » ( Lc 1,33 ). Et plus loin sa mère lui dit : « Ton père et moi nous te cherchions, angoissés » ( Lc 1,48 ). Donc le Christ n’a pas été conçu par une mère vierge.
– 2. Le début de S. Matthieu prouve que le Christ fut le fils d’Abraham et de David par le fait que Joseph descendait de David. Cette preuve ne vaudrait rien si Joseph n’avait pas été le père du Christ. Il semble donc que la mère du Christ l’a conçu par l’union avec S. Joseph et qu’ainsi elle n’a pas été vierge dans la conception du Christ.
– 3. Il est écrit (Ga 4,4)  : « Dieu envoya son Fils, né d’une femme. » Or ce terme de « femme » dans le langage courant désigne l’épouse d’un homme.
– 4. Ce qui est de même espèce requiert le même mode de génération, parce que la génération, comme tout mouvement, est spécifiée par son terme. Or le Christ a été de même espèce que nous, dit l’Apôtre (Ph 2,7) : « Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement. » Puisque les autres hommes sont engendrés par l’union de l’homme et de la femme, il semble que le Christ aussi a été engendré de cette manière.
– 5. Toute forme naturelle a une matière qui lui est destinée, hors de laquelle elle ne peut exister. Or la matière de la forme humaine, c’est la semence du père et de la mère. Donc si le corps du Christ n’avait pas été conçu ainsi, il n’aurait pas été un vrai corps d’homme.
En sens contraire , il y a l’oracle d’Isaïe (Is 7,14 ) : « Voici que la Vierge concevra. »
Réponse :
Il faut absolument confesser que la mère du Christ a conçu en restant vierge. Soutenir le contraire serait verser dans l’hérésie des ébionites et de Cérinthe, qui faisaient du Christ un homme ordinaire et attribuaient sa naissance à l’union des sexes.
Que le Christ ait été conçu d’une vierge, cela convient pour quatre motifs :
1) Pour sauvegarder la dignité de celui qui l’envoie. En effet, puisque le Christ est vraiment Fils de Dieu par nature, il ne convenait pas qu’il eût un autre père que Dieu, pour que la dignité de Dieu ne se reporte pas sur un autre.
2) Cela convenait à ce qui est le propre du Fils de Dieu, qui est envoyé. Il est le Verbe de Dieu. Or le verbe (la parole) est conçu sans aucune corruption de notre cœur ; au contraire, la corruption du cœur est incompatible avec la conception d’un verbe parfait. Parce que la chair a été assumée par le Verbe de Dieu pour être vraiment sa chair, il convenait qu’elle-même fût conçue sans aucune atteinte à l’intégrité de la mère.
3) Cela convenait à la dignité de l’humanité du Christ, ou le péché ne pouvait trouver place, puisque c’est elle qui devait enlever le péché du monde selon la parole rapportée par S. Jean (Jn 1,29) : « Voici l’Agneau de Dieu », l’être innocent, « qui enlève le péché du monde ». Dans une nature déjà corrompue par l’acte conjugal, la chair n’aurait pu naître sans être imprégnée du péché originel. C’est pourquoi S. Augustin a pu écrire : « Une seule absence ici », dans le mariage de Marie et de Joseph, « celle des rapports conjugaux, car ils ne pouvaient s’accomplir dans la chair de péché, sans cette convoitise de la chair qui vient du péché et sans laquelle voulut être conçu celui qui devait être sans péché. »
4) Cela convenait à cause de la fin même de l’incarnation du Christ, qui est de faire renaître les hommes en fils de Dieu « non d’un vouloir de chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Jn 1,13)  c’est-à-dire par la puissance divine. Le modèle de cette renaissance devait se montrer dans la conception du Christ. S. Augustin l’affirme : « Il fallait que notre tête naquît, selon la chair, d’une vierge par un miracle insigne, pour montrer que ses membres devaient naître, selon l’esprit, de cette vierge qu’est l’Église. »
Solutions :
– 1. D’après S. Bède, « Joseph est appelé le père du Sauveur, non qu’il le fût vraiment, comme disent les photiniens, mais parce qu’il passait pour tel afin de sauvegarder la réputation de Marie. » Ce qui fait dire à S. Luc (Lc 3,23) : « On croyait Jésus fils de Joseph. »
Ou bien, selon S. Augustin. Joseph est appelé père du Christ de la même manière « qu’il est connu comme l’époux de Marie, sans commerce charnel, par le lien même du mariage, ce qui l’unissait plus étroitement au Christ que s’il l’avait adopté autrement. On devait l’appeler le père du Christ non parce qu’il l’aurait engendré par une union charnelle, mais parce qu’il aurait été le père de l’enfant qu’il aurait adopté, même si son épouse ne l’avait pas mis au monde ».
– 2. Selon S. Jérôme « la généalogie du Sauveur est amenée jusqu’à Joseph d’abord parce que ce n’est pas l’usage des Écritures de constituer une généalogie par les femmes. Ensuite parce que Marie et Joseph étaient de la même tribu. Aussi était-il obligé par la loi de l’épouser ». Et comme dit S. Augustin « Il fallait faire aboutir la série des générations jusqu’à Joseph pour ne pas déprécier, à propos de ce mariage, le sexe masculin qui est le plus fort, et la vérité n’y perdrait rien, puisque Joseph et Marie descendaient tous deux de David. »
– 3. Comme dit la Glose, « le mot « femme » désigne, selon l’usage des Hébreux, non celles qui ont perdu leur virginité, mais toutes celles du sexe féminin ».
– 4. Cet argument est valable pour les êtres qui viennent à l’existence par des voies naturelles, du fait que la nature, de même qu’elle est déterminée à produire un seul effet, est aussi déterminée à le produire d’une seule façon. Mais la vertu surnaturelle de Dieu, qui est infinie, n’est pas déterminée à produire un seul effet, ni à le produire d’une façon particulière. Voilà pourquoi la puissance divine a pu former le premier homme « de la glaise du sol » et le corps du Christ du sein d’une vierge, sans intervention de l’homme.
– 5. Selon le Philosophe, la semence du mâle ne joue pas le rôle de matière dans la conception de l’être vivant. Elle en est seulement le principe actif ; c’est la femme seule qui fournit la matière de la conception. Aussi, du fait que la semence du mâle a fait défaut dans la conception du corps du Christ, il ne s’ensuit pas que ce corps n’ait pas eu la matière qui lui était due.
Mais à supposer que chez les animaux la semence du mâle soit vraiment la matière de la conception, il est évident que cette matière ne subsiste pas sous la même forme, mais qu’elle doit se transformer. De même que Dieu a transformé la glaise du sol pour en faire le corps d’Adam, de même a-t-il pu transformer la matière fournie par la mère pour en faire le corps du Christ, même si ce n’était pas une matière suffisante pour une conception naturelle.
ARTICLE 2 : La Mère de Dieu est-elle demeurée vierge en l’enfantant ?
Objections :
– 1. S. Ambroise écrit : « Celui qui a sanctifié, en vue de la naissance d’un prophète, un sein étranger, c’est lui qui a ouvert le sein de sa propre mère pour en sortir immaculé. » Mais un sein ne peut s’ouvrir sans exclure la virginité.
– 2. Rien, dans le mystère du Christ, ne devait faire paraître son corps comme imaginaire. Mais qu’il puisse traverser des lieux clos, cela ne peut convenir qu’à un corps non réel, mais imaginaire, du fait que deux corps ne peuvent coexister dans le même lieu. Donc le corps du Christ ne pouvait sortir du sein maternel si celui-ci demeurait fermé.
– 3. Comme dit S. Grégoire dans une homélie sur l’octave de Pâques, du fait qu’après sa résurrection le Seigneur a pénétré à travers les portes closes jusqu’à ses disciples « montre que son corps avait gardé sa nature et reçu une nouvelle gloire ». Ainsi, traverser les lieux clos doit être attribué au corps glorieux. Or dans sa conception, le corps du Christ n’était pas glorieux mais passible car, selon l’Apôtre (Rm 8,3), « le Christ avait une chair semblable à celle du péché ». Il n’est donc pas sorti du sein de la Vierge resté fermé.
En sens contraire, on dit dans un discours du Concile d’Éphèse : « La nature, après l’enfantement, ne connaît plus de vierge. Mais la grâce a montré une mère qui enfante sans que sa virginité en souffre. »
Réponse :
Sans aucun doute, il faut affirmer que la mère du Christ est demeurée vierge même en enfantant. Car le prophète ne dit pas seulement « Voici que la Vierge concevra », mais il ajoute « Elle enfantera un fils. » Et l’on peut en donner trois raisons de convenance.
1) Cela convenait à ce qui est le propre de celui qui naîtrait, et qui est le Verbe de Dieu. Car non seulement le verbe est conçu dans notre cœur sans le corrompre, mais c’est aussi sans corruption qu’il sort du cœur. Aussi, pour montrer qu’il y avait là le corps du Verbe de Dieu en personne, convenait-il qu’il naquît du sein intact d’une vierge. On lit encore dans un discours du Concile d’Éphèse : « Celle qui engendre la chair seule cesse d’être vierge. Mais parce que le Verbe est né de la chair, il protège la virginité de sa mère, montrant par là qu’il est le Verbe. Car ni notre verbe, lorsqu’il est engendré, ne corrompt notre âme, ni Dieu, le Verbe substantiel, lorsqu’il choisit de naître, ne supprime la virginité. »
2) Cela convient quant à l’effet de l’Incarnation. Car le Christ est venu pour enlever notre corruption. Aussi n’aurait-il pas été convenable qu’il détruisît par sa naissance la virginité de sa mère. Aussi S. Augustin dit-il « Il aurait été malheureux que l’intégrité fût détruite par la naissance de celui qui venait guérir la corruption. »
3) Celui qui a prescrit d’honorer ses parents ne pouvait en naissant diminuer l’honneur de sa mère.
Solutions :
– 1. Ce passage de S. Ambroise commente la loi citée par l’Évangile (Lc 2,23) : « Tout mâle qui ouvre le sein maternel sera consacré au Seigneur. » C’est ainsi, explique Bède, « qu’on parle d’une naissance ordinaire ; il ne faudrait pas en conclure que le Seigneur, après avoir sanctifié cette demeure en y entrant, lui ait fait perdre, en en sortant, sa virginité ». Aussi « ouvrir le sein » ne signifie pas comme d’ordinaire que le sceau de la pudeur virginale est brisé, mais seulement que l’enfant est sorti du sein de sa mère.
– 2. Tout en voulant attester la réalité de son corps, le Christ a voulu aussi manifester sa divinité. C’est pourquoi il a mêlé les prodiges avec l’humilité. Aussi, afin de montrer la réalité de son corps, il naît d’une femme. Mais afin de montrer sa divinité, il procède d’une vierge. « Un tel enfantement convient à Dieu », chante S. Ambroise dans un hymne de Noël.
– 3. Certains ont dit qu’à sa naissance le Christ avait pris la subtilité des corps glorieux, de même qu’en marchant sur la mer il a pris leur agilité.
Mais cela ne s’accorde pas avec ce que nous avons précisé antérieurement. En effet, ces « dots », ou qualités des corps glorieux, proviennent de ce que la gloire de l’âme rejaillit sur le corps, comme nous le dirons plus loin en traitant des corps glorieux. Mais nous avons dit plus haut que le Christ, avant la passion, permettait à sa chair d’agir et de souffrir comme cela lui est propre, et que ce rejaillissement de la gloire de l’âme sur le corps ne se produisait pas. Et c’est pourquoi il faut dire que tout cela a été réalisé miraculeusement par la vertu divine. Aussi S. Augustin dit-il : « Les portes closes n’ont pas été un obstacle pour la masse du corps ou se trouvait la divinité. Il a pu entrer sans qu’elles s’ouvrent comme, en naissant, il avait laissé inviolée la virginité de sa mère. » Et Denys, écrit : « Le Christ produisait d’une manière surhumaine ce qui appartient à l’homme. C’est ce que montrent une vierge qui le conçoit surnaturellement, et une eau fluide qui supporte la charge de ses pas terrestres. »
ARTICLE 3 : La Mère de Dieu est-elle demeurée vierge après l’enfantement ?
Objections :
– 1. On lit en S. Matthieu (Mt 1,18)  « Avant que Joseph et Marie se fussent unis, elle se trouva enceinte par l’action du Saint-Esprit. » L’évangéliste n’aurait pas dit : « Avant qu’ils se fussent unis » s’ils ne devaient pas le faire, car personne ne dit de quelqu’un qui ne va pas déjeuner : « avant qu’il ne déjeune ». Il apparaît donc qu’à un moment donné la Bienheureuse Vierge s’est unie charnellement à Joseph et qu’elle n’est donc pas demeurée vierge après l’enfantement.
– 2. On trouve un peu plus loin, dans les paroles adressées à Joseph par l’ange : « Ne crains pas de prendre Marie ton épouse. » Or les épousailles se consomment par l’union charnelle. Il apparaît donc qu’à un certain moment, celle-ci est intervenue entre Marie et Joseph.
– 3. On trouve un peu plus loin « Il prit chez lui son épouse, et il ne la connut pas jusqu’au jour ou elle enfanta son fils premier-né. » « Or ce mot « jusque » désigne habituellement un délai après lequel on fait ce qu’on n’avait pas fait jusqu’à ce moment Il. » Et le Verbe  » connaître  » a ici un sens charnel comme lorsqu’il est dit (Gn 4,1) .  » Adam connut son épouse.  » Il semble donc qu’après l’enfantement la Vierge a eu des rapports charnels avec Joseph.
– 4. On ne peut appeler « premier-né » que le fils suivi de plusieurs frères. S. Paul dit (Rm 8,29) : « Il les a prédestiné à reproduire l’image de son Fils, pour qu’il soit le premier-né d’une multitude de frères. » Mais l’évangéliste (Lc 2,7) appelle le Christ le « Premier-né » de sa mère. Elle a donc eu d’autres fils après lui.
– 5. On lit (Jn 2,5) : « Après cela (le Christ) descendit à Capharnaüm ainsi que sa mère et ses frères. » Mais on appelle frères ceux qui sont nés du même lit. Il semble donc que la Bienheureuse Vierge a eu d’autres fils après le Christ.
6. Nous lisons (Mt 25,55) : « Il y avait là », près de la croix du Christ, « beaucoup de femmes venues de loin qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles étaient Marie Madeleine, Marie mère de Jacques et de Joseph et la mère des fils de Zébédée ». Cette Marie appelée ici mère de Jacques et de Joseph semble être aussi la mère du Christ, car Jean nous dit (Jn 19,25) : « Debout près de la croix se tenait Marie, sa mère. » Il semble donc que la mère du Christ n’est pas demeurée vierge après l’enfantement de celui-ci.
En sens contraire, il est écrit dans Ézéchiel (Ez 44,2) : « Cette porte sera fermée ; elle ne s’ouvrira point ; et l’homme n’y passera pas parce que le Seigneur Dieu d’Israël est entré par elle. » S. Augustin explique ainsi ce texte : « Que signifie cette porte fermée dans la maison du Seigneur, sinon que Marie sera toujours intacte ? Et que « l’homme n’y passera pas » sinon que Joseph ne la connaîtra pas ? Que signifie : « Seul le Seigneur entre et sort par elle », sinon que le Saint-Esprit la fécondera et que le Seigneur des anges naîtra d’elle ? Et « elle sera fermée pour toujours », sinon que Marie est vierge avant l’enfantement, vierge dans l’enfantement et vierge après l’enfantement ?
Réponse :
Il faut sans aucun doute rejeter l’erreur d’Helvidius, qui a osé dire que la mère du Christ, après l’avoir enfanté, a eu des rapports conjugaux avec Joseph et a engendré d’autres fils.
1) Cela porte atteinte à la perfection du Christ. Étant, selon sa nature divine, le fils unique du Père, comme étant parfait à tous égards, il convenait qu’il fût le fils unique de sa mère, son fruit très parfait.
2) Cette erreur fait injure au Saint-Esprit, car le sein virginal fut le sanctuaire ou il forma la chair du Christ ; aussi aurait-il été indécent qu’il fût ensuite profané par une union avec l’homme.
3) Elle rabaisse la dignité et la sainteté de la Mère de Dieu, qui aurait paru très ingrate si elle ne s’était pas contentée d’un Fils pareil et si elle avait voulu perdre par une union charnelle la virginité qui s’était miraculeusement conservée en elle.
4) On devrait encore reprocher à Joseph la plus grande audace s’il avait essayé de souiller celle dont l’ange lui avait révélé qu’elle a conçu Dieu par l’opération du Saint-Esprit. C’est pourquoi il faut affirmer sans aucune réserve que la Mère de Dieu, qui était restée vierge en concevant et en enfantant, est encore restée perpétuellement vierge après avoir enfanté.
Solutions :
– 1. Comme dit S. Jérôme « Il faut comprendre que cette préposition, avant, bien qu’elle indique souvent des faits postérieurs, montre parfois les faits qu’on avait placés auparavant par la pensée ; et il n’est pas nécessaire que ces faits se réalisent, parce que autre chose est intervenu pour empêcher ce projet de se réaliser. Par exemple, si quelqu’un dit: « Avant de déjeuner dans le port, j’ai navigué », on ne comprend pas qu’il a déjeuné au port après avoir navigué, mais seulement qu’il avait l’intention de déjeuner au port. » Pareillement, l’évangéliste dit : « Avant qu’ils fussent unis, elle se trouve enceinte par l’action du Saint-Esprit » non parce qu’ils se seraient unis ensuite mais parce que, tandis qu’ils paraissaient devoir le faire, ils ont été devancés par la conception due au Saint-Esprit, à cause de quoi ils ne se sont pas unis dans la suite.
2. Comme dit S. Augustin. la Mère de Dieu est appelée « épouse de Joseph en raison du premier engagement des fiançailles avec celle qu’il n’avait pas connue ni ne devait connaître charnellement ». Comme dit S. Ambroise : « L’Écriture n’affirme pas la perte de la virginité, mais le lien conjugal et la célébration des noces.
– 3. Certains disent que dans ce texte « connaître » n’est pas à prendre au sens de l’union charnelle, mais concerne la connaissance qui éclaire l’esprit. En effet, S. Jean Chrysostome dit : « Avant que Marie eût enfanté, Joseph ne connut pas sa dignité, mais il la connut ensuite car, par son enfantement, elle devint plus belle et plus noble que tout l’univers parce que, celui que l’univers entier ne pouvait contenir, elle seule l’avait reçu dans le secret de ses entrailles. »
Mais d’autres parlent de « connaissance » par la vue. De même que le visage de Moïse s’entretenant avec le Seigneur fut resplendissant de gloire au point que les fils d’Israël ne pouvaient plus le regarder, de même Marie, que l’éclat de la vertu du Très-Haut recouvrait de son ombre, ne pouvait être regardée par Joseph avant d’enfanter. Mais après l’enfantement, Joseph la connut à l’aspect de son visage et non par un contact charnel.
S. Jérôme, lui, concède qu’on doit entendre cette « connaissance » dans son acception charnelle. Mais il dit que « jusque », dans l’Écriture, peut s’entendre de deux façons. Parfois il désigne un temps déterminé, par exemple (Ga 3,19) : « La loi fut ajoutée en vue des transgressions, jusqu’à la venue de la descendance à qui était destinée la promesse. » Mais parfois elle désigne un temps indéterminé comme dans le Psaume (Ps 123,2) : « Nos regards sont tournés vers le Seigneur notre Dieu jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié », ce qui ne doit pas se comprendre comme si, après avoir obtenu miséricorde, nos regards devaient se détourner de Dieu. Et selon cette manière de parler on exprime « ce dont on pourrait douter si ce n’était pas écrit, mais tout le reste est confié à notre intelligence ». Et c’est en ce sens que l’évangéliste dit que la Mère de Dieu « n’a pas été connue d’un homme jusqu’à son enfantement, afin que nous comprenions bien plutôt qu’elle ne l’a pas été après ».
– 4. L’usage de la Sainte Écriture est d’appeler premier-né non seulement celui qui a des frères après lui, mais celui qui est né le premier. « Autrement, s’il n’y a de premier-né que lorsque des frères le suivent, la loi ne devait pas réclamer les prémices avant une autre naissances. » Il est évident que c’est faux, puisque la loi prescrivait de racheter les premiers-nés dans le délai d’un mois.
– 5. « Certains, dit S. Jérôme supposent que les frères du Seigneur étaient les fils d’une première épouse de Joseph. Mais nous, nous comprenons que les frères du Seigneur n’étaient pas des fils de Joseph, mais des cousins germains du Sauveur, fils d’une sœur de Marie, mère du Seigneur. » En effet l’Écriture parle de « frères » en quatre sens : « par la nature, la nation, la parenté, l’affection ». Aussi les frères du Seigneur sont-ils appelés ainsi non selon la nature, car ils ne sont pas nés de la même mère, mais selon la parenté, car ils sont du même sang que lui. Quant à Joseph, selon S. Jérôme il semble plus croyable qu’il est resté vierge, car « l’Écriture ne dit pas qu’il a eu une autre épouse, et un saint homme ne succombe pas à la fornication ».
– 6. Cette Marie « mère de Jacques et de Joseph » ne doit pas être prise pour la mère du Seigneur, car dans l’Évangile, celle-ci est habituellement signalée par sa dignité de mère de Jésus. Tandis que cette Marie est identifiée comme l’épouse d’Alphée, dont le fils est Jacques le Mineur, appelé frère du Seigneur.
ARTICLE 4 : La Mère de Dieu avait-elle fait vœu de virginité ?
Objections :
– 1. Il est écrit (Dt 8,14 ) « Il n’y aura chez toi ni homme ni femme stérile. » Or la stérilité est une conséquence de la virginité. Donc observer la virginité était contraire au précepte de la loi ancienne. Mais celle-ci demeurait en vigueur tant que le Christ n’était pas né. Donc, à cette époque, la Bienheureuse Vierge ne pouvait licitement faire vœu de virginité.
– 2. L’Apôtre déclare (1Co 7,25) : « Au sujet des vierges je n’ai aucun précepte du Seigneur, mais je donne un conseil. » Or la perfection des conseils devait commencer avec le Christ, qui est « la fin de la loi » (Rm 10,4). Il ne convenait donc pas que la Vierge fit vœu de virginité.
– 3. L’Apôtre déclare (1Tm 5,12) : « Pour ceux qui font vœu de chasteté, non seulement le mariage, mais le désir du mariage est condamnable. » Or, la mère du Christ n’a commis aucun péché condamnable, comme on l’a établi précédemment. Donc, puisqu’elle a été « fiancée » dit S. Luc (Lc 1,27), il apparaît qu’elle n’avait pas fait vœu de virginité.
En sens contraire, S. Augustin, écrit « À l’annonce faite par l’Ange, Marie répond : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » Ce qu’elle n’aurait certainement pas dit si elle n’avait pas antérieurement consacré à Dieu sa virginité.
Réponse :
Comme nous l’avons dit dans la deuxième Partie, les œuvres de perfection méritent plus de louanges quand elles sont solennisées par un vœu. Or, chez la Mère de Dieu, c’est la virginité qui devait avoir le plus d’éclat, comme cela apparat d’après nos arguments. Il convenait donc que sa virginité fût consacrée à Dieu par un vœu. Il est vrai qu’au temps de la loi il fallait pousser à la fécondité les femmes aussi bien que des hommes, parce que c’était par la descendance charnelle que se propageait le culte de Dieu, avant que le Christ naquit de ce peuple. Aussi ne croit-on pas que la Mère de Dieu, avant ses fiançailles avec Joseph, ait fait catégoriquement le vœu de virginité ; mais bien qu’elle en ait eu le désir, elle a remis sur ce point sa volonté à la décision de Dieu. Plus tard, quand elle eut pris un époux, comme l’exigeaient les mœurs du temps, elle fit avec lui vœu de virginité.
Solutions :
1. Parce qu’il semblait interdit par la loi de ne pas travailler à laisser une descendance sur terre, la Mère de Dieu ne fit pas vœu de virginité sans réserve, mais sous la condition que cela plairait à Dieu. Ensuite, sachant que cela lui plairait, elle fit vœu de virginité avant l’annonciation.
2. De même que la plénitude de la grâce fut parfaite dans le Christ, mais qu’une ébauche la précéda chez sa mère, de même l’observation des conseils qui se fait par la grâce de Dieu, a trouvé sa première perfection chez le Christ, mais avait en quelque sorte commencé chez la Vierge sa mère.
– 3. La parole de S. Paul est à entendre de ceux qui ont voué la virginité d’une manière absolue. Ce n’était pas le cas de la Mère de Dieu avant ses fiançailles avec Joseph. Mais après ses fiançailles, en même temps que son époux et d’un commun accord, elle fit vœu de virginité.

Saint Athanase d’Alexandrie, Discours contre les ariens
« Par conséquent, il convient que quiconque nie que le Fils procède du Père par nature et selon Son essence, nie aussi qu’Il se soit revêtu par l’intermédiaire de Marie toujours vierge d’une chair humaine ; en effet, chacune de ces deux vérités sans l’autre ne serait d’aucun profit aux hommes : que le Verbe ne soit pas le vrai et naturel Fils de Dieu ou que la chair qu’il a assumée ne soit pas véritablement humaine. »

Saint Epiphane de Salamine, Ancoratus
« le Fils de Dieu s’est incarné c’est-à-dire a été engendré parfaitement de sainte Marie, la toujours vierge, par le Saint-Esprit. »

Saint Jérôme, Contre Helvidius sur la virginité perpétuelle de sainte Marie
« Nous croyons que Dieu est né d’une vierge, parce que nous le lisons. Nous ne croyons pas que Marie se soit mariée après l’enfantement de son Fils, parce que nous ne le lisons pas. […] Tu dis que Marie n’est pas restée vierge. Moi, je dis plus, de mon côté, je dis que Joseph est resté vierge, par Marie, afin que d’un mariage virginal naquît un fils vierge. »

Saint Jean Damascène, Homélie sur la Dormition
« N’est-ce point toi, qui conçus virginalement et restas toujours vierge ?
Qu’Ézéchiel le tout divin s’avance, et qu’il montre la porte fermée, franchie par le Seigneur sans être ouverte, telle qu’il l’a annoncée prophétiquement ; qu’il montre l’accomplissement de ses dires. C’est toi qu’il désignera certainement, toi en qui Dieu le prince universel a passé et a pris chair, sans ouvrir la porte de la virginité. Oui, le sceau virginal demeure et persiste à jamais. »

Pape Sixte IV, Cum praeexcelsa (Constitution)
« Lorsque nous scrutons, en recherchant avec une dévote considération, les marques insurpassables des mérites grâce auxquels la reine des cieux, la glorieuse Marie mère de Dieu, portée dans les hauteurs du ciel, resplendit parmi les astres comme l’étoile du matin […] nous jugeons qu’il est digne, ou plutôt qu’il est dû, d’inviter tous les fidèles du Christ, pour le pardon et la rémission de leurs péchés, à rendre grâces et louanges au Dieu tout-puissant pour l’admirable conception de la Vierge immaculée. Sa providence, considérant de toute éternité l’humilité de cette Vierge, voulant réconcilier avec son Créateur la nature humaine assujettie à la mort par la chute du premier homme, en a fait la demeure de son Fils unique en la préparant par le Saint Esprit ; d’elle il a pu prendre la chair de notre condition mortelle pour racheter son peuple, cependant qu’elle demeurait vierge après son enfantement. »

Catéchisme du concile de Trente (Chapitre 4)
« Mais si la conception du Sauveur est au-dessus de toutes les lois de la nature, sa naissance ne l’est pas moins ; elle est divine. Et ce qui est absolument prodigieux, ce qui dépasse toute pensée et toute parole, c’est qu’il est né de sa Mère qui est demeurée toujours Vierge. De même que plus tard Il sortit de son tombeau, sans briser le sceau qui Le tenait fermé, de même qu’il entra, les portes fermées, dans la maison où étaient ses disciples, de même encore – pour prendre nos comparaisons dans les phénomènes ordinaires – que les rayons du soleil traversent le verre sans le briser ni l’endommager, ainsi, mais d’une manière beaucoup plus merveilleuse, Jésus-Christ naquit de sa Mère qui conserva le privilège de la Virginité. »

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