Tiédeur

Apocalypse III, 16
« Mais parce que tu es tiède, et que tu n’es ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. »

Réginald Garrigou-Lagrange, Les trois âges de la vie intérieure
« Les vertus morales consistent dans un juste milieu entre deux extrêmes, l’un par excès, l’autre par défaut. Les épicuriens et les tièdes entendent garder un juste milieu, non par amour de la vertu, mais par commodité, pour fuir les inconvénients des vices contraires. Ils confondent le juste milieu et la médiocrité, qui se trouve, non pas précisément entre deux maux contraires, mais à mi-côté, entre le bien et le mal. La médiocrité ou la tiédeur fuit le bien supérieur comme un extrême à éviter ; elle cache sa paresse sous ce principe : « le mieux est parfois l’ennemi du bien », et elle finit par dire : « le mieux est souvent, sinon toujours, l’ennemi du bien ». Elle finit ainsi par confondre le bien avec le médiocre. »

Adrien Rouquette, La Thébaïde en Amérique (Page 22)
« En effet, comme autrefois, l’homme n’aspire plus avec ardeur à devenir un ange ; il semble se contenter de ne pas tomber jusqu’au niveau de la brute. Il ne tient pas à monter très haut, pourvu qu’il ne tombe pas trop bas : le médiocre, le juste-milieu, voilà l’assiette ordinaire où il se trouve heureux. Et cependant nous ne cesserons de lui crier, au nom d’une religion divine : Ô homme, aspire à ce qu’il y a de plus parfait ; aspire à égaler l’ange, à ressembler à Dieu ; c’est là ta glorieuse destination. »

Adolphe Tanquerey, Précis de théologie ascétique et mystique (Page 151)
« Pour faire du bien autour de nous, convertir quelques pécheurs ou incroyants et affermir dans le bien les âmes chancelantes, il n’est rien de plus efficace que l’effort qu’on fait pour mieux pratiquer le christianisme : autant la médiocrité de la vie attire sur la religion les critiques des incroyants, et autant la vraie sainteté excite leur admiration pour une religion qui sait produire de tels effets : « C’est au fruit qu’on juge l’arbre ». La meilleure apologétique est celle de l’exemple, quand on sait y joindre la pratique de tous les devoirs sociaux. C’est aussi un excellent stimulant pour les médiocres, qui s’endormiraient dans leur mollesse, si les progrès des âmes ferventes ne venaient les faire sortir de leur torpeur. »

Abbé Baudrand, L’âme affermie dans la foi (Pages 83-87)
« La neutralité est une suite et comme une branche du tolérantisme, mauvais arbre qui ne peut produire que de mauvais fruits. Être neutre en fait de religion , c’est n’être ni pour ni contre, ni dedans ni dehors. Disons mieux, être neutre en fait de religion, c’est n’en avoir aucune. Il se trouve cependant de ces sortes de gens dans le monde ; et prenant ce parti, ils tâchent de le justifier ou de le colorer sous divers prétextes et par des raisons en apparence plausibles.
Pour moi, disent-ils, j’aime la paix : je ne suis pour personne, ni contre personne ; je n’examine point qui a raison , qui a tort : j’entends de toutes parts s’élever des contestations, retentir différentes voix ; je les laisse se disputer ensemble, je n’entre point dans tous ces débats ; et sans condamner, ni approuver ni les uns ni les autres, je me tiens tranquille, et n’y suis pour rien.
Raisons en apparence spécieuses, mais dans le fond condamnables et maudites de Dieu. Voulez-vous savoir, en effet, quels sont d’ordinaire les principes de cet état de neutralité ? Les voici ; et si vous voulez être de bonne foi, vous en conviendrez.
C’est indifférence pour les intérêts de la religion : si on s’intéressait véritablement à elle, on aurait à cœur ce qui la regarde , on y prendrait part, on serait sensible ou à ses pertes, ou à ses succès, et resterait pas dans cette espèce de léthargie, qui marque qu’on est peu touché de ce qui peut lui arriver d’heureux ou de triste, de favorable ou de désavantageux.
C’est infidélité dans l’exercice de la religion. Pour la pratiquer, il y a des devoirs à remplir ; et un des premiers devoirs, c’est de s’attacher à elle, c’est de lui témoigner son affection et ses sentiments, c’est d’être exact à accomplir ce quelle prescrit, c’est d’éviter avec soin tout ce qu’elle défend. Et quel exercice de religion peut-on pratiquer, quand on reste dans un état d’insensibilité et de neutralité pour tout ce qui la regarde ? Est-ce là l’esprit de la religion ?
C’est lâcheté dans la défense de la religion. Quoi, vous la verrez attaquée de toute part, vous verrez mille ennemis armés contre elle, lui déclarer une guerre ouverte, et vous resterez neutre entre elle et ses ennemis, sans prendre parti ni pour elle ni contre elle ! Et à quel titre lui appartenez-vous donc, et à quelle marque peut-elle vous reconnaitre au nombre de ses enfants ? Ou déclarez-vous pour elle, ou cessez de vous dire son élève et de paraître sous ses étendards.
C’est dérision de la sainteté de la religion ; et n’est- te pas, en quelque manière, s’en moquer, que de prétendre avoir accompli toute justice envers elle, en ne lui faisant ni bien ni mal ? La sainteté que prescrit la religion ne consiste-t-elle donc qu’à fermer la bouche, quand il faudrait parler ? À rester les bras croisés, quand il faudrait agir ? Est-ce ainsi que les saints se sont rendus saints ? Et prétendre le devenir ainsi, n’est-ce pas comme se jouer de toute religion et de toute sainteté ?
Que dirai-je encore ? Je ne craindrai pas, pour caractériser cette neutralité, d’ajouter que c’est une prévarication dans le fond de sa religion, que c’est un abandon, une désertion, une espèce d’abjuration de sa religion : j’en dis beaucoup, mais je n’en dis pas trop, parce que je le dis avec la raison et la religion.
Non, on ne prétend pas que sans mission et sans caractère, vous alliez attaquer les ennemis de la foi, entamer des disputes et des controverses avec les hérétiques, et vous jeter dans des discussions au-dessus de votre portée ; mais ce que votre religion a droit d’attendre de vous, c’est que vous montriez de quel coté vous êtes, et que vous ne laissiez pas douter si vous êtes pour elle ou contre elle. Qu’avez-vous donc promis à la religion , quand vous avez été régénéré dans les fonts sacres du baptême ? N’avez-vous promis que de rester spectateur oisif dans tous les événements qui lui arrivent, dans les combats qu’elle essuie, de vous tenir à l’écart, et de dire que pour vous, vous n’êtes ni pour ni contre ? Mais sachez que dès-lors votre religion même est contre vous et vous rejette de son sein.
J’entends Jésus-Christ même lancer sur cette disposition un foudroyant anathème : Celui qui n’est pas pour moi, est contre moi, dit-il , et celui qui n’amasse pas avec moi, dissipe : point de milieu, point de neutralité, elle est maudite, elle est réprouvée.
C’est encore la même voix que faisait entendre le prophète Elie dans l’ardeur de ses sentiments : Jusqu’à quand balancerez-vous sans vous décider ? Si le Seigneur est votre Dieu, adorez Dieu : si c’est Baal, adorez Baal.
On vous dit à peu près de même : Si vous reconnaissez une religion, soyez pour elle, si vous ne la reconnaissez pas, déclarez-vous, et ne marchez pas indifféremment à droite et à gauche ; être neutre c’est n’être rien : et d’ailleurs ne voyez -vous pas que ce n’est qu’une fausse politique, une prudence mondaine et maudite qui vous arrête, et qui vous rend criminel esclave, dans le point où il est plus essentiel d’être libre et de marcher dans la généreuse liberté des enfants de Dieu ? Sortez de cet indigne esclavage, soyez et paraissez ce que vous devez être.
La vérité catholique nous impose deux devoirs ; le premier, de la conserver dans notre cœur. L’autre, de la professer hautement dans l’occasion.
Chacun, selon son état, doit défendre la foi, lorsqu’elle est attaquée, les pontifes, par leur enseignement ; les savants, par leur plume ; les fidèles par leurs prières, leurs exemples et leurs œuvres. C’est la maxime que saint Jean prêchait aux chrétiens de son temps, et que les chrétiens de tous les temps doivent fidèlement observer, si le sang chrétien coule encore dans leurs veines. »

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