Génocide vendéen

Proclamation de la Convention (Loi du 1er octobre 1793)
« Soldats de la liberté : Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d’octobre ; le salut de la patrie l’exige, l’impatience du peuple français le commande, son courage doit l’accomplir. La reconnaissance nationale attend, à cette époque, tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi, sans retour, la liberté et la République. »

Louis Monnier, ancien officier du général Vendéen Stofflet, Mémoires sur la guerre de Vendée
« Il fallait passer le bourg de Gesté qui était en feu. Il faisait noir ; nous nous arrêtâmes un instant à l’entrée du bourg pour voir s’il n’était point resté de bleus (les républicains). Comment passer ? Les maisons en feu tombaient dans les rues. Heureusement que nos chevaux n’étaient pas peureux. Nous passions sur ces chevrons qui brûlaient. Nous voyions dans les portes des femmes égorgées que le feu brûlait et des enfants massacrés que l’on avait jetés dans les rues. Tel fut le spectacle que nous eûmes en traversant le bourg à dix heures du soir. Ce qui m’effraya le plus, fut une maison qui était tout en feu. Nous aperçûmes dans les chambres du bas une quantité  de victimes qui brûlaient, et dont l’odeur, qui sortait par les croisées, nous infectait. A peine étions-nous passés de quinze pas, que la maison s’écroula. La charpente tomba dans la rue, ce qui fit un feu épouvantable. […]
À un quart de lieu de la Jumellière, j’aperçois, dans un coin de chemin, un monceau de victimes, amoncelées comme une corde de bois, entre un chêne et un grand piquet. Il y en avait à la hauteur d’un homme et plus de quinze de long, tête à pied. Ce spectacle m’effraya. Mais c’était comme rien. À cinquante pas plus loin, j’aperçois un homme, dans le coin d’un champ de genêts, qui baissait la tête et la relevait ; je crus que c’était l’ennemi qui était dans le champ de genêts. Je fais filer mes deux cavaliers derrière moi, au bout du champ, pour bien regarder s’ils ne voyaient rien. Ce malheureux m’aperçut et se sauva. Je lui criai : « Arrête ! ou tu es mort »  Il vint à moi ; je lui dit : « Que fais-tu-là ? » Il avait une pelle sur l’épaule ; il me dit : « Ah ! j’ai eu grand’peur. » Il se mit à pleurer. « Voyez, me dit-il, dans le milieu du chemin, ma femme égorgée, mes cinq enfants avec, et je suis à faire une fosse pour les mettre. »  Je fis dix pas : j’aperçus une femme étendue dans la boue, un enfant sur le bras gauche, un sur le bras droit, un autre sur la jambe gauche, un autre sur la droite, et le cinquième au sein de sa mère ; tous avaient la tête ouverte, le cerveau ôté et mis dans la poche du tablier de la mère. Jamais aucun homme ne pourra croire une barbarie pareille. »

François-Joseph Westermann, Général de brigade républicaine, Campagne de la Vendée
« Bientôt les brigands se sauvèrent à toutes jambes en criant hautement à la trahison ; tout le monde court dessus et Savenay est à nous. Nous fîmes une boucherie horrible ; les dernières 6 pièces de canons, quelques caissons, équipages, trésor, etc. tout tomba en notre pouvoir. Marceau et les autres généraux avec les représentants du peuple Prieur et Tureau suivirent l’ennemi sur la droite, très peu leur échappèrent. Partout on ne voyait que des monceaux de morts ; moi, je me suis attaché à quelques pelotons de cavalerie et d’infanterie qui s’étaient sauvés sur la gauche ; tous furent noyés ou taillés en pièces.
Les brigands qui échappèrent cette journée à la mort furent traqués tués ou ramenés par les habitants des environs. Dans la banlieue de Savenay seule, plus de 6 000 ont été enterrés. C’est ainsi qu’une armée forte, au Mans, le 29 frimaire, de 80 à 90 mille hommes, fut complètement détruite dans 12 jours, par le génie et le courage des soldats républicains, qui tous, pour ainsi dire, ont amassé des trésors des dépouilles des ennemis de la République. »

Edme de la Chapelle de Béarais, Lettre (2 août 1795)
« Nous venons d’être conduits ici, mon cher Beaulieu ; nous serons probablement jugés dans la journée et exécutés l’instant d’après, ainsi que je te l’ai mandé d’Auray, d’où je t’ai écrit avant-hier. Aucun des secours temporels et spirituels ne m’ont manqué et j’espère tout de la miséricorde de Dieu. Nous avons trouvé des âmes charitables et compatissantes qui ont bien voulu adoucir la rigueur de notre sort. J’ai éprouvé, d’ailleurs, tout ce que l’infortune offre de plus affreux ; j’ai épuisé tous les genres de maux possibles, je les ai soufferts avec patience ; j’espère qu’ils me seront de quelque mérite aux yeux de Dieu, auquel je vais faire le sacrifice de ma vie. Celle-ci ne pouvait plus être heureuse, dès que j’étais destiné à vivre éloigné de ma famille, de mes amis, de ma malheureuse femme et de mes enfants. Pauvre et chère épouse ! Quel est son sort dans ce moment, quels lieux habite-t-elle ? Je n’ai pas même la consolation, en mourant, de savoir rien de ce qui peut avoir trait à elle et au reste de ma famille. Je ne sache pas un sacrifice que je n’ai à faire. Mon Dieu, je vous les offre tous ! La même résignation, mon cher Beaulieu, se trouve dans les 200 victimes, enfermées avec moi dans ce moment et toutes destinées à périr avec moi dans la journée. Je ne te dis rien des événements qui nous ont conduits ici ; cela tient à la politique et je me tais sur cet article. Tu apprendras assez tôt mes malheurs et ce qui les a amenés ; tu ne m’en plaindras que davantage.  Adieu, mon cher frère, mon heure approche. Je vais profiter d’un quart d’heure qui me reste, pour dire à ma femme un dernier mot, que je te recommande de lui remettre avec la plus grande précaution. »

Boutillier de Saint-André, Mémoires d’un père à ses enfants
« En arrivant aux Herbiers, nous trouvâmes tout le bourg dévoré par les flammes. Les républicains y avaient passé le jour d’avant et y avaient mis tout à feu et à sang. Les maisons brûlaient encore ; les charpentes, les couvertures s’écroulaient de toutes parts avec un fracas épouvantable. Des tourbillons d’étincelles et de fumée s’élevaient des ruines comme des trombes de poussière. Des cadavres gisaient dans les rues. Nous ne vîmes dans ces lieux désolés que quelques chats qui n’avaient pas encore abandonné leurs demeures détruites. »

Reynald Seycher, Le Génocide franco-français
« Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le « génocide juif », mais nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée. […]
Ce n’est que le 8 février 1794 que le Comité de Salut public envoie à Turreau son accord par l’intermédiaire de Carnot : « Tu te plains, citoyen général, de n’avoir pas reçu du Comité une approbation formelle à tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et pures mais, éloigné du théâtre d’opération, il attend les résultats pour se prononcer : extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir. »
Dès le 11 février Turreau accuse réception : « J’ai reçu avec plaisir l’approbation que vous avez donnée aux mesures que j’ai prises… », et au représentant Bourbotte, il confie, le 15 février : « Tu sais que sans aucune autorisation j’ai pris et mis à exécution les mesures les plus rigoureuses pour terminer cette guerre affreuse. Le Comité de Salut public a bien voulu y donner sa sanction, mais j’étais tranquille, je me reposais, qu’il me soit permis de le dire, sur la pureté de mes intentions. »
Ce même jour, le Comité écrit au représentant Dembarrère : « Tuez les brigands au lieu de brûler les fermes, faites punir les fuyards et les lâches et écrasez totalement cette horrible Vendée. Combine avec le général Turreau les moyens les plus assurés de tout exterminer dans cette race de brigands. »
On peut voir à la lecture de cette proclamation à quel point la responsabilité du Comité de Salut public est entière.
Le 17 janvier, le général Grignon, chef de la première colonne, harangue ses soldats en ces termes : « Camarades, nous entrons dans le pays insurgé. Je vous donne l’ordre de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d’être brûlé et de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d’habitants sur votre passage. Je sais qu’il peut y avoir quelques patriotes dans ce pays ; c’est égal, nous devons tout sacrifier. »
Le 19 janvier, Cordelier rédige, à l’intention de ses chefs de corps, des instructions relatives à l’exécution des ordres donnés par Turreau, Le général doit « s’occuper personnellement » de la rive droite de la Loire.
« Il sera commandé journellement et à tour de rôle, un piquet de cinquante hommes pourvu de ses officiers et sous-officiers, lequel sera destiné à escorter les pionniers à faire leur devoir. L’officier commandant ce piquet prendra tous les jours l’ordre du général avant le départ et sera responsable envers lui de son exécution. À cet effet, il agira militairement avec ceux des pionniers qui feindraient de ne point exécuter ce qu’il commanderait et les passera au fil de la baïonnette. […]
Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main ou convaincus de les avoir prises, pour se révolter contre leur patrie, seront passés au fil de la baïonnette. On agira de même avec les filles, femmes et enfants. Les personnes seulement suspectées ne seront pas plus épargnées, mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l’ait préalablement ordonnée. […]
Tous les villages, métairies, bois, genêts et généralement tout ce qui peut être brûlé, sera livré aux flammes après cependant que l’on aura distrait des lieux qui en seront susceptibles, toutes les denrées qui y existeront ; mais on le répète, ces exécutions ne pourront avoir leur effet que quand le général l’aura ordonné. Le général désignera ceux des objets qui doivent être préservés. »
Nantis de ce programme, les républicains stationnés en Vendée se scindent en deux armées : la première s’étend de Saint-Maixent aux Ponts-de-Cé et Turreau, de Cholet, en prend le commandement ; la seconde va des Sables à Paimbœuf et est confiée à Haxo. Toute la Vendée militaire se trouve ainsi encerclée. Ces deux armées comptent chacune six divisions : Dufour à Montaigu, Amey à Mortagne, Huché à Luçon, Grignon à Argenton-Château, Cordelier au Loroux, Beaufranchet, Grammont, Dalliac, Commaire, Charlery, Caffin, Chalbos sont échelonnés de l’est à l’ouest du département de la Vendée. Chacune de ces divisions comprend deux colonnes décomposées en douze corps, devant s’avancer l’un vers l’autre, de l’est ou du nord-est, de l’ouest ou du sud-ouest. En fait, la seconde armée n’est formée que de huit colonnes, chacune de 800 hommes environ, non dédoublées, et grossies de recrues.
Le pays insurgé doit être traversé en six jours. Aussi la marche a suivre est précisée avec détails, de même que la localité à atteindre. Le départ est fixé au 21 janvier, jour anniversaire de l’exécution du roi, l’arrivée au 27. En conséquence, il faut marcher « tantôt de jour, tantôt de nuit ».
Il est difficile de faire un récit global de « cette promenade militaire ». Quelques passages des rapports journaliers, adressés par ses divisionnaires à leur général en chef, excluent tout commentaire.
De Maulévrier, Caffin écrit le 25 janvier 1794 à Turreau : « Pour le bien de la République, les Echaubrognes ne sont plus ; il n’y reste pas une seule maison. Rien n’a échappé à la vengeance nationale. Au moment où je t’écris, je fais fusiller quatorze femmes qui m’ont été dénoncées. »
Le même jour, un autre chef de colonne, Grignon, qui opère un peu plus loin, dans les Deux-Sèvres, commente de Cerizay : « Je continue toujours de faire enlever les subsistances, de brûler et de tuer tous ceux qui ont porté les armes contre nous. Cela va bien, nous en tuons plus de cent par jour. J’oubliais de te dire que l’on m’a arrêté une dizaine de fanatiques, ils iront au quartier général. »
Le 26 janvier, de Maulévrier, Caffin poursuit : « Un détachement de cent cinquante hommes resté à La Tessouale a fait évacuer et incendier toutes les métairies sur la route de Saint-Laurent. J’espère avant ce soir plus de deux cents bœufs et vaches. Tous les bestiaux sont épars dans les champs. Hier j’ai fait brûler tous les moulins que j’ai vus. Aujourd’hui, je peux faire brûler, sans courir de risques, les trois quarts de la ville de Maulévrier. »
Le 27 janvier, de Jallais, Cordelier insiste : « J’avais ordonné de passer au fil de la baïonnette tous les scélérats qu’on aurait pu rencontrer et de brûler les métairies et les hameaux qui avoisinent Jallais ; mes ordres ont été ponctuellement exécutés et, dans ce moment, quarante métairies éclairent la campagne. »
Le 31 janvier, de Maulévrier, Caffin intervient encore : « Je te préviens que tout le village d’Yzernay a été incendié hier sans y avoir trouvé ni homme ni femme. Il restait quatre moulins à vent que j’envoie incendier ce matin, n’en voulant pas laisser un seul. […]
J’ai fait brûler ce matin toutes les maisons qui restaient à Maulévrier, sans en excepter une seule, si ce n’est l’église où il y a encore beaucoup d’effets qu’il serait à propos d’envoyer chercher de suite. […]
Le bourg de Toutlemonde a été incendié avant-hier. »
Le 1er février, à Saint-Laurent, toujours Caffin : « À midi je t’écris encore de Saint-Laurent. Comme je veux absolument me rendre à La Verrie ce soir, je crains de ne pouvoir incendier tout comme je désirerais. J’ai fait conduire à Cholet trente-deux femmes qui étaient dans le couvent. j’ai trouvé une vingtaine d’hommes de reste que j’ai fait fusiller avant de partir. Si j’en trouve d’autres dans ma route, ils essuieront le même sort. »
Le 3 février, à La Verrie, Caffin termine : Je te préviens que j’irai demain matin, avec ma colonne, brûler ce bourg (La Gaubretière) ; tuer tout ce que j’y rencontrerai sans considération, comme le repaire de tous les brigands. Tout y passera par le fer et par le feu. »
Turreau n’est pas en reste, comme il l’explique dans ses comptes rendus adressés au Comité de Salut public et au ministère de la Guerre.
Le 22 janvier : « Nos troupes immolent aux mânes de nos frères les restes épars de cette exécrable armée. »
Le 24 janvier : « Mes colonnes ont déjà fait des merveilles ; pas un rebelle n’a échappé à leurs recherches. Si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée, sous quinze jours, ni maisons, ni subsistances, ni armes, ni habitants. Il faut que tout ce qui existe de bois, de haute futaie dans la Vendée soit abattu. »
Le 31 janvier : « Elles (les colonnes) ont passé au fil de la baïonnette tous les rebelles épars qui n’attendaient qu’un nouveau signal de rébellion. On a incendié métairies, villages, bourgs. On ne peut concevoir l’immensité de grains et fourrages qu’on a trouvés dans les métairies et cachés dans les bois. […] J’ai donné les ordres les plus précis pour que tout soit enlevé de ce maudit pays et porté dans les magasins de la République. Il est parti ce matin pour Saumur un convoi tenant près de deux lieues de long. »
Les officiers subalternes, souvent écœurés, témoignent eux aussi : « Amey, écrit l’officier de police Gannet dans un rapport, fait allumer les fours et lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations ; il nous a répondu que c’était ainsi que la République voulait faire cuire son pain. D’abord on a condamné à ce genre de mort les femmes brigandes, et nous n’avons trop rien dit ; mais aujourd’hui les cris de ces misérables ont tant diverti les soldats et Turreau qu’ils ont voulu continuer ces plaisirs. Les femelles des royalistes manquant, ils s’adressent aux épouses des vrais patriotes. Déjà, à notre connaissance, vingt-trois ont subi cet horrible supplice et elles n’étaient coupables que d’adorer la nation […] Nous avons voulu interposer notre autorité, les soldats nous ont menacés du même sort. »
Le président du district le 25 janvier s’en étonne : Tes soldats se disant républicains se livrent à la débauche, à la dilapidation et à toutes les horreurs dont les cannibales ne sont pas même susceptibles. »
Le capitaine Dupuy, du bataillon de la Liberté, adresse à sa sœur, les 17 et 16 nivôse (janvier 1794) deux lettres tout aussi explicites : « Nos soldats parcourent par des chemins épouvantables les triste déserts de la Vendée. Partout où nous passons, nous portons la flamme et la mort. L’âge, le sexe, rien n’est respecté. Hier, un de nos détachements brûla un village. Un volontaire tua de sa main trois femmes. C’est atroce mais le salut de la République l’exige impérieusement. Quelle guerre ! Nous n’avons pas vu un seul individu sans le fusiller. Partout la terre est jonchée de cadavres ; partout les flammes ont porté leur ravage. »
« Les délits ne se sont pas bornés au pillage, ajoute Lequenio. Le viol et la barbarie la plus outrée se sont représentés dans tous les coins. On a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur des pierres amoncelées le long des grandes routes et les fusiller et les poignarder et sortant de leurs bras ; on en a vu d’autres porter des enfants à la mamelle au bout de la baïonnette ou de la pique qui avait percé du même coup la mère et l’enfant.
« J’ai vu brûler vifs des femmes et des hommes, écrit le chirurgien Thomas. J’ai vu cent cinquante soldats maltraiter et violer des femmes, des filles de quatorze et quinze ans, les massacrer ensuite et jeter de baïonnette en baïonnette de tendres enfants restés à côté de leurs mères étendues sur le carreau. »
Beaudesson, régisseur général des subsistances militaires, qui a suivi de Doué à Cholet la division Bonnaire fait la déclaration suivante :
La route de Vihiers à Cholet était jonchée de cadavres, les uns morts depuis trois ou quatre jours et les autres venant d’expirer. Partout, les champs voisins du grand chemin étaient couverts de victimes égorgées. Çà et là des maisons éparses à moitié brûlées. »
Le général Avril, en ventôse an II, se réjouit d’avoir « couché les insurgés de Saint-Lyphard par terre au nombre de cent. II en a été grillé une quantité dans le brûlis de toutes les maisons du bourg. » »

Rapport de Bertrand Barère (1 octobre 1793)
« […] C’est donc à la Vendée que nos ennemis devaient porter leurs coups.
C’est donc à la Vendée que vous devez porter toute Votre attention, toutes vos sollicitudes ; c’est à la Vendée que vous devez déployer toute l’impétuosité nationale et développer tout ce que la république a de puissance et de ressources.
Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l’Autrichien.
Détruisez la Vendée, l’Anglais ne s’occupera plus de Dunkerque.
Détruisez la Vendée, et le Rhin sera délivré des Prussiens.
Détruisez la Vendée, et l’Espagne se verra harcelée, conquise par les méridionaux joints aux soldats victorieux de Mortagne et de Cholet.
Détruisez la Vendée, et une partie de cette armée de l’intérieur ira renforcer l’armée du Nord, si souvent trahie, si souvent travaillée.
Détruisez la Vendée, et Lyon ne résistera plus ; Toulon insurgera contre les Espagnols et les Anglais, et l’esprit de Marseille se relèvera à la hauteur de la révolution républicaine.
Enfin, chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes, dans les frontières envahies. La Vendée, et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la république française ; c’est là qu’il faut frapper. »

Lucas de la Championnière, ancien officier du général vendéen Charette, Mémoires
« On continua la route sans incident jusqu’à Maulévrier : nous trouvâmes à Châtillon les traces encore récentes du combat qui y avait eu lieu ; la ville était entièrement incendiée, quelques petites maisons encore debout étaient remplies de femmes ; pas un homme dans tout le pays. Outre les fosses immenses qu’on voyait à l’entour de la ville, des cadavres à demi-rongés couvraient encore le grand chemin de Bressuire ; le carnage d’après ces indices avait dû être affreux. »

Nicolas Grimaldi, L’inhumain
« En mettant la Terreur à l’ordre du jour, la Révolution avait fait de l’inhumain une vertu civique. Selon un mot de Hugo ; « La révolution avait-elle pour but de dénaturer l’homme ? ». Et en effet, contrairement à ce qu’enseigna longtemps une pieuse et mensongère historiographie républicaine, mais comme l’avait déjà discerné Edgar Quinet, la Terreur ne fut pas une réaction de légitime défense, dans une situation désespérée, quand il n’y avait plus d’autre moyen que le pire, mais une entreprise idéologique visant à exterminer ceux que leur tiédeur ou leur dissidence devaient exclure de l’humanité.
Or, quel avait été le crime de la Vendée ? Tout simplement d’avoir attendu de la Révolution qu’elle remplît ses promesses au lieu de les trahir. Loin d’être supprimés, les impôts augmentaient. Les réquisition arbitraires humiliaient la population. La persécution du clergé réfractaire paraissait en outre comme une outrageante intrusion de l’exécutif dans le domaine spirituel et privé. Enfin, en exigeant une levée de trois cent mille hommes, la loi Jourdan paraissait aux familles un insupportable sacrifice et une brimade de plus. Non seulement le Comité de salut public semblait faire bon marché de la vie et de la dignité des citoyens, mais il exemptait de cet impôt du sang ceux qu’il chargeait de le lever : fonctionnaires, maires, officiers municipaux, tous les agents de la répression étaient exemptés de la conscription.
Le 21 décembre 1793, le général Westermann rend compte de son opération au Comité de salut public : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré des femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. » »

François-Joseph Westermann, Général de brigade républicaine, Discours à la Convention (7 janvier 1794)
« Citoyens représentants, une blessure qui m’interdit l’exercice du cheval est le sujet de mon voyage à Paris ; je viens offrir à la Convention un reste des dépouilles sacerdotales de l’évêque d’Agra, si fameux par le rôle qu’il a joué dans la ci-devant armée catholique et royale. Je viens aussi vous assurer sur ma tête que de cette année, forte encore au Mans de quatre-vingt-dix mille, hommes, avec une artillerie formidable, il n’existe plus un seul combattant ; chefs, officiers, soldats, évêques, comtesses, princesses et marquises, tout a péri par le fer, les flammes et les flots ; cet exemple effrayant est unique dans l’histoire, et l’Europe étonnée verra bien qu’une république qui, comme le Père éternel, dicte ses lois du haut d’une sainte montagne, saura se maintenir et réduire comme la Vendée chaque pays qui aura l’imbécillité de former le projet de rétablir la royauté en France. »

Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale (Pages 70-77)
« Le 24 février 1793, la situation critique aux frontières conduit la Convention à ordonner la levée de 300 000 hommes. Cette décision entraîne une révolte généralisée des campagnes de l’Ouest : en quelques semaines, les paysans en armes se rendent maîtres de la Vendée, du sud-ouest du Maine-et-Loire, du sud de la Loire-Inférieure, du nord-ouest des Deux-Sèvres. Pour mater l’insurrection, la Convention décrète, le 1 avril, la destruction de la Vendée si elle persévère dans sa rébellion. Un nouveau décret, le 1er août, prescrit de tout incendier et piller en Vendée. À partir de septembre, les Vendéens se heurtent à une armée aguerrie, constituée de 25 000 hommes commandés par le général Kléber.
Bien avant que Bugeaud organise ses colonnes légères destinées à « pacifier » l’Algérie, le Comité de salut public accepte, en janvier 1794, la proposition de Turreau, commandant en chef de l’armée de l’Ouest, de former douze colonnes pour ratisser la région d’est en ouest avec pour consigne expresse de « faire de la Vendée un désert ». Quatre mois durant, ces colonnes infernales sèment la désolation sur leur passage. L’ordre du jour du 17 janvier 1794, adressé aux commandants des colonnes, comporte des instructions particulièrement précises : « On emploiera tous les moyens de découvrir les rebelles, tous seront passés au fil de la baïonnette ; les villages, métairies, bois, landes, genets et généralement tout ce qui peut être brûlé, seront livrés aux flammes. Aucun village ou métairie ne pourra être brûlé qu’on n’en ait auparavant enlevé tous les grains battus ou en gerbes et généralement tous les objets de subsistance. » Les Commissions militaires fusillent sur-le-champ tous les Vendéens pris les armes à la main.
Campagnes dévastées, récoltes brûlées, cheptel razzié ou tué, une spécialité coloniale ? « Pendant des mois, les campagnes sont ravagées et les villes assiégées et investies tour a tour, provoquant des milliers de morts et des exodes considérables. »
Villes et villages pillés et brûlés ? Les troupes de Kleber incendient « méthodiquement » Clisson le 13 Octobre, Tiffauges le 14 et Montaigu le 24 octobre 1793. Autour de Nantes, « les campagnes sont soumises à des razzias Visant a s’emparer de grains, mais aussi de biens, s’accompagnant dans certains cas d’atrocités, souvent à l’encontre des femmes patriotes ou vendéennes ». La victoire des Bleus au Mans, en décembre 1793, tourne au massacre de civils, comme en rend compte le commissaire du Maine-et-Loire, Benaben : « J’y fus témoin de toutes les horreurs que peut présenter une ville prise d’assaut. Les soldats s’étaient répandus dans les maisons, et ayant retiré les femmes et les filles des brigands qui n’avaient pas eu le temps d’en sortir et de prendre la fuite, les emmenaient dans les places ou dans les rues, où elles étaient entassées et égorgées sur-le-champ ; à coups de fusil, à coups de baïonnette, ou à coups de sabre […] Toute la route du Mans, jusqu’à cinq ou six lieues de Laval, était couverte des cadavres des Brigands, c’était la répétition de ce que j’avais vu depuis Angers jusqu’au Mans. »
Le 17 janvier 1794, le général Huché adresse au commandant du bataillon de la Vienne l’ordre de mission suivant : « Avant de partir des villages [le commandant] les fera incendier sans réserve avec tous les bourgs, hameaux, métairies qui en dépendent ; il s’attachera spécialement à démolir et brûler les fours et moulins […], il fera exterminer sans réserve tous les individus de tout âge et de sexe, qui sera convaincu d’avoir participé à la guerre de la Vendée ou à toute autre révolte attentatoire à la liberté. »
Benaben ne laisse aucune illusion sur le sort qui attend les prisonniers : « Nos braves soldats, divisés en tirailleurs, après avoir jonché cette ville [Le Mans] de cadavres, ont poursuivi l’ennemi dans la plaine jusqu’auprès de Paimboeuf. Plus de douze cents Brigands, se voyant cernés de tous côtés, ont été obligés de mettre bas les armes et de demander la vie. Westerman en a fait fusiller quatre cents environ. Les autres l’ont été par les ordres de la commission militaire attachée à l’armée. » […]
Le 17 octobre 1793, l’armée vendéenne est sévèrement battue devant Cholet. Commence alors l’effroyable « virée de Galerne » qui s’achève, le 23 décembre, par la bataille de Savenay. À l’issue des combats, le général Westermann, qui commande les troupes républicaines, écrit à la Convention : « Il n’y a plus de Vendée, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui au moins pour celles-là n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas de prisonnier à me reprocher, j’ai tout exterminé. […] Nous ne faisons plus de prisonniers, il faudrait leur donner le pain de la liberté, et la pitié n’est pas révolutionnaire. »
Les rodomontades de Westermann traduisent très imparfaitement la réalité. D’une part, si la Vendée militaire est bien morte à Savenay, elle cède la place à la chouannerie, une guérilla qui se prolonge jusqu’au Consulat. D’autre part, les Bleus ont fait des milliers de prisonniers, homme femmes et enfants, qui sont conduits à Nantes. Entassés dans les entrepôts du port, dans des conditions d’hygiène épouvantables, ils meurent par centaines d’épidémies qui menacent bientôt la ville. Le représentant en mission, Carrier, décide de s’en débarrasser. En deux mois, de la fin décembre 1793 à la fin février 1794, 2 600 sont fusillés, pour certains après avoir été torturés ou violés. Comme, à ce rythme, il devient de plus en plus difficile d’enterrer les cadavres, Carrier organise des noyades. « On opérait la nuit sur de grosses barques avec des sabords à fond de cale que l’on ouvrait au milieu du fleuve pour immerger le bateau et sa cargaison de prisonniers entravés et liés entre eux. » Combien périssent ainsi ? Le nombre n’est pas connu : entre 7 et 11 noyades ont lieu, chacune entraînant de 300 à 400 victimes. À Angers et à Saumur on procède aussi de la sorte.
Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés. Le représentant en mission, Léquinio, témoigne : « Les délits ne se sont pas bornés au pillage ; le viol et la barbarie la plus outrée se sont représentés dans tous les coins. On a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur les pierres amoncelées le long des grandes routes et les fusiller ou les poignarder en sortant de leurs bras. On en a vu d’autres porter des enfants à la mamelle au bout de la baïonnette ou de la pique, qui avait percé du même coup la mère et l’enfant. Les rebelles n’ont pas été les seules victimes de la brutalité des soldats et des officiers ; les filles et les femmes des patriotes ont souvent été mises en réquisition ; c’est le terme. »
La lecture du « Livret journalier et mémoratif » tenu par le gendarme Graviche atteste bien que la frontière entre combattants et civils est abolie : « Le 3 [décembre 1793] parti pour attaquer l’ennemi à Jalet […]. Incendie de Jalet, cercle de l’insurrection. Le 5, reparti pour Jalet, ou nous avons occupé la hauteur au-delà, du côté de la Chapelle où on a passé hommes et femmes au fil de l’épée ou fusillé, ayant donné retraite à nos volontaires et ayant été chercher les brigands qui les égorgèrent. Le 13, massacre de femmes et d’enfants entre Beaupréau et Jalet, à Saint-Laurent-de-la-Plaine. »
Et l’horreur est sans limites : en mars 1793, à La Rochelle, « des sans-culottes, hommes et femmes, se saisissent de prêtres réfractaires prisonniers, les lynchent, les éventrent et les démembrent puis se promènent dans la ville en arborant des restes humains, têtes, organes internes, testicules ». »

Abbé Robin, Registres clandestins
« Là c’étaient de pauvres jeunes filles toutes nues suspendues à des branches d’arbres, les mains attachées  derrière le dos, après avoir été violées. Heureux encore quand, en l’absence des Bleus, quelques passants charitables venaient les délivrer de ce honteux supplice. Ici, par un raffinement de barbarie, peut-être sans exemple, des femmes enceintes étaient étendues et écrasées sous des pressoirs. Une pauvre femme, qui se trouvait dans ce cas, fut ouverte vivante au Bois-Chapelet, près le Maillon. Le nommé Jean Laîné, de la Croix-de-Beauchêne, fut brûlé vif dans son lit où il était retenu pour cause de maladie. La femme Sanson, du Pré-Bardou, eut le même sort, après avoir été à moitié massacrée. Des membres sanglants et des enfants à la mamelle étaient portés en triomphe au bout des baïonnettes.
Une jeune fille de la Chapelle fut prise par des bourreaux, qui après l’avoir violée la suspendirent à un chêne, les pieds en haut. Chaque jambe était attachée séparément à une branche de l’arbre et écartée le plus loin possible l’une de l’autre. C’est dans cette position qu’ils lui fendirent le corps avec leur sabre jusqu’à la tête et la séparèrent en deux. »

Reynald Secher, Vendée : du génocide au mémoricide
« Tout d’abord, la Révolution est une rupture définitive dans l’histoire : il y a un avant et un après qui renvoient ses crimes à ceux du XXe siècle et non pas à ceux des siècles antérieurs. Le caractère légal de ce génocide est une nouveauté qui l’ancre dans la modernité. Il a, en effet, été voté à une date précise, publié de manière officielle même s’il est évident que la guerre civile s’est prolongée au-delà de ce vote. Cette guerre civile a commencé avec l’insurrection de la Vendée, au mois de mars 1793, pour s’achever avec la défaite militaire des Vendéens à Savenay les 23 et 24 décembre 1793. Parallèlement, la Convention a inauguré le génocide par le vote de la loi du 1er août 1793 qui prescrit l’anéantissement matériel de la Vendée, l’extermination des hommes et la déportation des femmes, des vieillards et des enfants. Elle l’a prolongé avec la loi du 1er octobre 1793 qui prescrit l’extermination de tous les Vendéens sans distinction d’âge, de sexe et d’appartenance politique. Elle l’a achevé avec la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794, quand les Conventionnels ont mis fin au génocide. La guerre civile a duré dix mois, le génocide douze mois avec une période de chevauchement de cinq mois qui va du 1er août au 24 décembre 1793. »

Bibliographie

– Lucas de la Championnière, Mémoires
– Gracchus Babeuf, La Guerre de Vendée et le système de dépopulation
– Louis Monnier, Mémoires sur la guerre de Vendée
– Reynald Seycher, Le Génocide franco-français / Vendée : du génocide au mémoricide / La Vendée-Vengé
– Boutillier de Saint-André, Mémoires d’un père à ses enfants
– Jacques Villemain, Génocide en Vendée 1793-1794 / Histoire politique des colonnes infernales / Papiers et rapports
– Abbé Eugène Bossard, Cathelineau
– Chanoine Louis-Pierre Prunier, Le martyre de la Vendée
– Alain Gérard, Vendée : les archives de l’extermination
– Jean Silve de Ventavon, Petite histoire de la Grande Guerre de Vendée
– Père Jean-Paul Argouarc’h, Passion de la Vendée
– Mauricette Vial-Andru, La chasse aux prêtres en Vendée

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