En vrac

Juan Donoso Cortés, Théologie de l’histoire et crise de civilisation
« Suivez avec moi les pas du Sauveur, depuis la crèche jusqu’à la croix sur laquelle il meurt. Que signifie ce nuage de tristesse qui couvre perpétuellement sa face sacrée ? Les peuples de Galilée l’ont vu pleurer, la famille de Lazare l’a vu pleurer, ses disciples l’ont vu pleurer, Jérusalem l’a vu inondé de larmes. Tous, tous ont vu des larmes dans ses yeux ; qui a vu le rire sur ses lèvres ? Et que voyaient ces yeux troublés devant qui étaient toutes choses, celles du passé, celles du présent, celles de l’avenir ? Voyaient-ils le genre humain naviguant sur une mer calme et heureuse ? Non, non, ils voyaient Jérusalem tombant sur Dieu, les Romains tombant sur Jérusalem, les Barbares tombant sur les Romains, le protestantisme tombant sur l’Église, les révolutions allaitées par le protestantisme tombant sur les sociétés, les socialistes tombant sur les civilisations, et le Dieu terrible, le Dieu de justice, tombant sur tous. Voilà ce qu’il voyait, et voilà pourquoi les yeux du Sauveur eurent des larmes jusqu’au moment où ils se fermèrent : voilà pourquoi son âme fut triste jusqu’à la mort. »

Jean-Claude Michéa, Le complexe d’Orphée
« Le basculement inévitable du libéralisme culturel dans le libéralisme économique possède, bien entendu, son pendant symétrique. Si la logique du capitalisme de consommation est de vendre n’importe quoi à n’importe qui (business is business), il lui est en effet indispensable d’éliminer un à un tous les obstacles culturels et moraux (tous les “tabous” dans la novlangue libérale et médiatique) qui pourraient s’opposer à la marchandisation d’un bien ou d’un service (sous un capitalisme digne de ce nom, il doit être évidemment possible de louer à tout moment le ventre d’une “mère porteuse” ou de commander sur catalogue une épouse ukrainienne ou un enfant haïtien). Le libéralisme économique intégral (officiellement défendu par la droite) porte donc en lui la révolution permanente des mœurs (officiellement défendue par la gauche), tout comme cette dernière exige, à son tour, la libération totale du marché. »

Saint Jean Chrysostome, Homélie
« Tous vous êtes pleins de joie aujourd’hui, et je suis seul à être plongé dans la tristesse : car je pense à cet océan qu’est l’Esprit, je songe aux richesses immenses qu’offre l’Église, et je me dis qu’après cette fête, votre foule va s’éloigner et se disperser une fois encore ; alors, je sens mon cœur déchiré par le chagrin à l’idée que l’Église, qui a mis au monde tant d’enfants, ne peut goûter le bonheur de leur présence à tous les offices et ne les a pour elle que les jours de fête. Quel bonheur tout spirituel, quelle joie, quelle gloire pour Dieu, quel profit pour les âmes, n’apporterait pas le spectacle de l’Église remplie, à chaque cérémonie, comme elle l’est aujourd’hui ? Marins et pilotes font tout pour franchir la mer au plus vite et atteindre le port. Nous, au contraire, nous recherchons les houles du large, et, sans cesse roulés au gré des tempêtes du Monde, ballotés sur les places publiques et dans les tribunaux, c’est à peine si nous nous montrons dans ces murs une ou deux fois l’an. »

René Quiton, Maximes sur la guerre
« L’humilité, la pauvreté, la chasteté, la foi, l’espérance, la charité, la mortification, les vertus chrétiennes, pourquoi peu d’hommes peuvent-ils y atteindre dans l’existence ordinaire, alors que tous s’y élèvent sans effort et avec béatitude à la guerre ? »

Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie (Page 179)
« C’est pourquoi les gens ordinaires s’amusent beaucoup plus, alors que les gens bizarres se plaignent sans cesse de la monotonie de la vie. C’est aussi la raison pour laquelle les romans nouveaux meurent si vite, alors que les contes de fées sont éternels. Dans un conte de fées, le héros est un garçon normal ; ce sont ses aventures qui sont étonnantes, et elles l’étonnent parce qu’il est normal. Dans le roman psychologique moderne, en revanche, le héros est anormal, et le centre n’est pas central. Ainsi les aventures les plus abracadabrantes échouent toujours à l’affecter comme elles le devraient, et le livre est ennuyeux. On peut inventer l’histoire d’un héros entouré de dragons, mais non pas celle d’un dragon entouré de dragons. Le conte de fées envisage ce qu’un homme sain d’esprit ferait dans un monde de fous. Le roman réaliste et prudent d’aujourd’hui envisage ce qu’un homme essentiellement fou ferai dans un monde insignifiant. »

Alexis de Tocqueville, Esprit des lois
« Dans les siècles de foi, on place le but final de la vie après la vie. Les hommes de ces temps-là s’accoutument donc naturellement, et, pour ainsi dire sans le vouloir, à considérer pendant une longue suite d’années un objet immobile vers lequel ils marchent sans cesse, et ils apprennent, par des progrès insensibles, à réprimer mille petits désirs passagers pour mieux arriver à satisfaire ce grand et permanent désir qui les tourmente. Lorsque ces mêmes hommes veulent s’occuper des choses de la terre, ces habitudes se retrouvent. Ils fixent volontiers à leurs actions d’ici-bas un but général et certain, vers lequel tous leurs efforts se dirigent. On ne les voit point se livrer chaque jour à des tentatives nouvelles ; mais ils ont des desseins arrêtés qu’ils ne se lassent point de poursuivre. Ceci explique pourquoi les peuples religieux ont souvent accompli des choses si durables. Il se trouvait qu’en s’occupant de l’autre monde, ils avaient rencontré le grand secret de réussir dans celui-ci. Les religions donnent l’habitude générale de se comporter en vue de l’avenir. En ceci elles ne sont pas moins utiles au bonheur de cette vie qu’à la félicité de l’autre. C’est un de leurs plus grands côtés politiques. Mais à mesure que les lumières de la foi s’obscurcissent, la vue des hommes se resserre, et l’on dirait que chaque jour l’objet des actions humaines leur parait plus proche. Dans les siècles d’incrédulités, il est donc toujours à craindre que les hommes ne se livrent sans cesse au hasard journalier de leurs désirs, et que, renonçant entièrement à obtenir ce qui ne peut s’acquérir sans de longs efforts, ils ne fondent rien de grand, de paisible et de durable. »

Paul Bourget, Pages de critique et de doctrine (Page 148)
« Le nationalisme n’est pas un parti. C’est une doctrine. Elle dérive de cette observation tout expérimentale, à savoir que notre individu ne peut trouver son ampleur, sa force, son épanouissement que dans le groupe naturel dont il est issu.
Le jeune homme regarde autour de lui. Il étudie l’histoire et il constate que l’individu est d’autant plus riche en émotions, d’autant plus abondant en forces sentimentales, qu’il est moins individualiste, plus complètement, plus intimement baigné, noyé dans l’âme collective dont il est une des pensées, dans l’action générale dont il est un des moments. Mais qu’est cette âme collective ? C’est l’œuvre de la Terre natale et des morts. Ce sont les façons de sentir que celle-ci a élaborées chez ceux-là.
Qu’est cette action générale ? La besogne accomplie par notre race. L ’organe local de cette race est la nation, plus profondément la région, et plus profondément encore la famille. Ou plutôt nation, région, famille ne font qu’un. Ce qui enrichit ou appauvrit l’un, appauvrit ou enrichit l ’autre. Quand la nation souffre, la ville souffre, et les familles de la ville et les individus qui composent ces familles. La culture du moi aboutit donc à un acte de foi envers les antiques disciplines qui subordonnaient le développement de la personne au développement de la Cité. »

Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie (Page 221)
« Les hommes qui se mettent à combattre l’Église au nom de la liberté et de l’humanité finissent par liquider liberté et humanité pourvu qu’ils puissent combattre l’Église. »

Juan Donoso Cortés, Théologie de l’histoire et crise de civilisation (Pages 133-134)
« Je ne sais, Messieurs, si votre attention a été frappée comme la mienne de la ressemblance, de la presque identité que l’on trouve entre les deux personnes au premier abord le plus distinctes et le plus contraires, de la ressemblance entre le prêtre et le soldat ? Ni le prêtre ni le soldat ne vit pour soi ; ni l’un ni l’autre ne vit pour sa famille ; pour l’un et pour l’autre la gloire est dans l’abnégation, dans le sacrifice. La charge du soldat est de veiller à l’indépendance de la société civile. La charge du prêtre est de veiller à l’indépendance de la société religieuse. Le devoir du prêtre est de mourir, de donner sa vie, comme le bon Pasteur, pour ses brebis. Le devoir du soldat est de donner, comme un bon frère, sa vie pour ses frères. Si vous considérez tout ce qu’a de laborieux et de pénible la vie sacerdotale, le sacerdoce vous paraîtra, et il l’est en effet, une véritable milice. Si vous considérez la sainteté du ministère du soldat, la milice vous paraîtra comme un véritable sacerdoce. Que deviendraient l’Europe, le monde, la civilisation, s’il n’y avait ni prêtres ni soldats ? »

René François Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique (Volume XIV, Page 294)
« En entendant parler de contemplation, de religieux contemplatifs, certains hommes de nos jours, qui se piquent de philosophie et se croient philosophes, souriront peut-être de pitié. C’est qu’ils ignorent de quoi il est question. La philosophie est la science des vérités générales dans l’ordre naturel : science, connaissance raisonnée, méditée, approfondie ; science des vérités générales qui constituent le bon sens, la raison humaine, non des vérités particulières qui constituent les sciences spéciales ; science dans l’ordre naturel ou de la nature, distingue d’avec l’ordre de la grâce ou l’ordre surnaturel ; le premier se bornant à l’homme tel que l’homme est en lui-même, comme intelligence incarnée ; le second élevant l’homme au-dessus de sa nature par la grâce, et le disposant à voir Dieu tel que Dieu est en lui-même, et non seulement tel qu’il se montre à travers les créatures. En d’autres mots, la philosophie est la contemplation des vérités générales dans l’ordre naturel, et les philosophes sont les religieux contemplatifs de cet ordre.
Mais, au-dessus de la philosophie ainsi entendue, s’élève la théologie, science des vérités religieuses, tant dans l’ordre naturel que dans l’ordre surnaturel, mais principalement dans ce dernier. Elle embrasse ainsi le ciel et la terre, le temps et l’éternité, Dieu et l’homme ; Dieu et ses œuvres, Dieu considéré, non seulement à travers ses créatures, mais en lui-même ; l’homme avec ses destinées présentes et futures. Elle présente ainsi à l’intelligence du chrétien un ensemble immense de vérités, mais de vérités vivantes et vivifiantes, que l’éternité tout entière ne suffira point à connaître, à contempler, à aimer.
Au milieu de cet océan immense de vérité, de lumière, l’esprit du chrétien vit et agit librement comme le poisson au milieu de l’onde. Voyez, en effet, le poisson dans l’océan sans bornes. Il vit, il s’y promène, il s’y repose ; il s’élève jusqu’à la surface, il se plonge jusque dans les abymes, il s’élance avec impétuosité, il repose et dort immobile, toujours dans son élément, qui est sa vie et son bonheur : son malheur et sa mort seraient d’en sortir. Ainsi en est-il de l’âme chrétienne dans cet océan incommensurable des vérités religieuses. »

Ernesto Che Guevara, Voyage à motocyclette (Page 174)
« Les Noirs, ces représentants de la splendide race africaine qui ont gardé leur pureté raciale grâce à leur manque de goût pour le bain, ont vu leur territoire envahi par un nouveau type d’esclaves : les Portugais. Et ces deux vieilles races ont commencé leur dure vie commune, émaillée de querelles et de mesquineries de toutes sortes. Le mépris et la pauvreté les unit dans leur lutte quotidienne, mais la façon différente dont ils envisagent la vie les sépare complètement. Le Noir, indolent et rêveur, dépense ses sous en frivolités ou en « coups à boire », l’Européen a hérité d’une tradition de travail et d’économies qui le poursuit jusque dans ce coin d’Amérique et le pousse à progresser, même au détriment de ses aspirations individuelles. »

Adrien Rouquette, La Thébaïde en Amérique (Page 91)
« Ah ! Si quelque chose manque, ce n’est pas du côté de la nature, mais du côté de l’homme ; ce n’est pas du côté de la grâce, mais du côté de la volonté ; ce n’est pas du côté de Dieu, mais du côté du chrétien, devenu lâche et sans amour, égoïste et incapable d’héroïques sacrifices ! »

Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote
« L’âme qui monte du péché à la dévotion est comparée à l’aube, laquelle s’élevant ne chasse pas les ténèbres en un instant, mais petit à petit.
L’exercice de la purgation de l’âme ne se peut ni doit finir qu’avec notre vie : ne nous troublons donc point de nos imperfections, car notre perfection consiste à les combattre, et nous ne saurions les combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer. Notre victoire ne gît pas à ne les sentir point, mais à ne point leur consentir. »

Abbé Alexis Pelletier, Du modérantisme ou de la fausse modération (Page 30)
« Quant aux esprits médiocres, il n’y a presque pas moyen de les amener à voir clair, une fois qu’ils ont été prévenus. Ils deviennent tellement épris des opinions qui ont constamment un cours dans le milieu où ils ont vécu et chez les personnes avec lesquelles ils sont en rapport qu’ils ne peuvent pas s’imaginer qu’on puisse raisonnablement ne pas professer ces opinions. Les attaquer, c’est à leurs yeux un crime aussi grand que de vouloir anéantir la loi et les prophètes. Les fausses idées sont tellement enracinées chez eux quelles semblent faire partie de leur nature même. Ils sont convaincus qu’une idée est vraie par cela seul qu’ils l’ont toujours eue et qu’ils l’ont toujours vue partagé par d’autres. Quant à se rendre compte de l’adhésion qu’ils y donnent, c’est la dernière des choses du monde à laquelle ils pensent. »

Carl Schmitt, La Notion de politique (Pages 67-68)
« L’ennemi ne saurait être qu’un ennemi public, parce que tout ce qui est relatif à une collectivité, et particulièrement à un peuple tout entier, devient de ce fait affaire publique. Ennemi signifie hostis et non inimicus au sens plus large ; πολέμιος et non ἐχθρός. À l’instar de certaines autres langues, la langue allemande ne fait pas de distinction entre l’ennemi privé et l’ennemi politique, ce qui rend possibles bien des malentendus et des falsifications. Le passage bien connu : « Aimez vos ennemis » (Matth. 5, 44 ; Luc 6, 27), signifie diligite inimicos vestros, ἀγαπᾶτε τοὺς ἐχθροὺς ὑμῶν et non : diligite hostes vestros ; il n’y est pas question d’ennemi politique. Et dans la lutte millénaire entre le christianisme et l’Islam, il ne serait venu à l’idée d’aucun chrétien qu’il fallait, par amour pour les Sarrasins ou pour les Turcs, livrer l’Europe à l’Islam au lieu de la défendre. L’ennemi au sens politique du terme n’implique pas une haine personnelle, et c’est dans la sphère du privé seulement que cela a un sens d’aimer son ennemi, c’est-à-dire son adversaire. La citation biblique ci-dessus fait encore moins allusion à l’antagonisme politique qu’elle ne tend, par exemple, à faire disparaître l’opposition du bien et du mal ou celle du beau et du laid. Elle ne signifie surtout pas que l’on aimera les ennemis de son peuple et qu’on les soutiendra contre son propre peuple. »

Adolphe Tanquerey, Précis de théologie ascétique et mystique (Page 318)
« Les Stoïciens prétendaient que les passions sont radicalement mauvaises et doivent être supprimées ; les Épicuriens déifient les passions et proclament bien haut qu’il faut les suivre : c’est ce que nos épicuriens modernes appellent : vivre sa vie. Le christianisme tient le milieu entre ces deux excès : rien de ce que Dieu a mis dans la nature humaine n’est mauvais ; Jésus lui-même a eu des passions bien réglées : il a aimé, non seulement par la volonté, mais par le cœur, et a pleuré sur Lazare et sur Jérusalem infidèle ; il s’est laissé aller à une sainte colère, a subi la crainte, la tristesse, l’ennui ; mais il a su tenir ces passions sous l’empire de la volonté et les subordonner à Dieu. Quand les passions sont au contraire déréglées, elles produisent les plus pernicieux effets ; il faut donc les mortifier et les discipliner. »

Corneliu Zelea Codreanu, La Garde de Fer
« Ce pays périt faute d’hommes et non de programmes. Telle est notre opinion. Nous ne devons pas créer de nouveaux programmes, mais de nouveaux hommes. Parce que les hommes d’aujourd’hui, élevés dans un esprit de basse politique et infectés par le judaïsme, compromettront les plus brillants programmes. »

Léon Degrelle, Les âmes qui brûlent (Page 42)
« Seule l’âme compte et doit dominer tout le reste. Courte ou longue, la vie ne vaut que si nous n’avons pas à rougir d’elle à l’instant où il faudra la rendre. »

Robert Brasillach, Je Suis Partout (17 juin 1937)
« C’est avec les nourritures terrestres et les œuvres terrestres qu’on défend les biens spirituels. Sans armée, les missionnaires sont massacrés, sans croisade, le christianisme dépérit, et les fondateurs d’ordre au Moyen Âge le savaient bien qui faisaient de leurs couvents des châteaux forts. Sous je ne sais quel prétexte d’idéalisme niais, on a voulu oublier tout cela aujourd’hui. »

Tertulien, Apologétique
« Tel est donc notre grief, l’injustice de votre haine pour le nom chrétien. Votre ignorance même, qui semblerait au premier coup d’œil excuser cette injustice, la prouve et l’aggrave. Quoi de plus injuste que de haïr ce que l’on ne connaît pas ? Quand même l’objet serait digne de haine, elle n’est encourue qu’autant qu’elle est reconnue méritée ; et comment la justifier, tant que l’objet demeure inconnu ? C’est par les qualités et non par les impressions que la haine se justifie. Puisque vous haïssez par la raison que vous ne connaissez pas, pourquoi ne vous arriverait-il pas de haïr ce que vous ne devriez pas haïr ? De là double conclusion : vous ne nous connaissez pas tant que vous nous persécutez ; vous nous persécutez injustement tant que vous ne nous connaissez pas. »

Pierre Drieu La Rochelle, Journal d’un délicat
« L’homme moderne est un affreux décadent. Il ne peut plus faire la guerre, mais il y a bien d’autres choses qu’il ne peut plus faire. Cependant, avec son infatuation, son arrogance d’ignorant, il condamne ce qu’il ne peut plus faire, ce qu’il ne peut plus supporter. »

Louis de Bonald, Réflexions sur l’accord des dogmes de la religion avec la raison (Page 120)
« La religion renferme quelque chose d’élevé dans ses dogmes, de sévère dans ses préceptes, d’austère dans ses conseils, de magnifique dans ses promesses, de terrible dans ses menaces, de doux dans ses consolations, qui est singulièrement propre à former des habitudes graves et des caractères élevés. »

Maurice Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme (Page 69)
« Les juifs n’ont pas de patrie au sens où nous l’entendons. Pour nous, la patrie, c’est le sol et les ancêtres, c’est la terre de nos morts. Pour eux, c’est l’endroit où ils trouvent leur plus grand intérêt. Leurs “intellectuels” arrivent ainsi à leur fameuse définition : “La patrie, c’est une idée.” Mais quelle idée ? Celle qui leur est la plus utile et, par exemple, l’idée que tous les hommes sont frères, que la nationalité est un préjugé à détruire, que l’honneur militaire pue le sang, qu’il faut désarmer (et ne laisser d’autre force que l’argent), etc. »

Jean Baudrillard, La Société de consommation (Pages 244-249)
« L’aliénation du loisir est profonde : elle ne tient pas à sa subordination directe au temps de travail, elle est liée à l’impossibilité même de perdre son temps. […]
Le loisir n’est donc pas tellement une fonction de jouissance du temps libre, de satisfaction et de repos fonctionnel. Sa définition est celle d’une consommation de temps improductive. »

Saint Augustin, Les Confessions (Pages 58-59)
« Les hommes, dont la vie terrestre est courte, ne sont pas capables d’accorder par la pensée les raisons des choses, dans les siècles passés et dans d’autres pays dont ils n’ont pas l’expérience, avec leur expérience particulière. Cependant, dans un même corps, dans une même journée, dans une même maison, ils peuvent facilement se rendre compte de ce qui convient à tel membre, à tel moment, à tel endroit, ou à telle personne. C’est pourquoi ils se scandalisent dans un cas et se soumettent dans l’autre. »

Louis de Bonald, Pensées sur divers sujets
« Une preuve de plus que le Décalogue a été donné par Dieu même à la première société, est qu’il n’y a d’injonctions que pour les inférieurs, pour les enfants et non pour les pères, et par conséquent, comme l’entendent tous les interprètes, pour les sujets et non pour les rois. Dieu, source et règle de tous les pouvoirs, et dont les pères et les rois ne sont que les délégués, n’avait garde de se donner des lois à lui-même. Les hommes n’auraient pas agi ainsi ; ils n’auraient pas manqué, en endoctrinant les chefs, de flatter les subalternes, et de placer dans leurs lois les droits de l’homme, la responsabilité des agents de l’autorité et la souveraineté du peuple ; et au lieu de commencer leur Code par ces mots : “Enfant, honore ton père et ta mère,” ils auraient dit : “Pères et mères, prenez soin de vos enfants.” »

Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie (Page 209)
« On pourrait définir la tradition comme une extension du droit de vote au passé. Elle consiste à accorder le droit de suffrage à la plus obscure de toutes les classes, celle de nos ancêtres. C’est la démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite oligarchie arrogante de ceux qui ne font que se trouver par hasard sur terre. »

Michel Clouscard, Critique du libéralisme libertaire (Pages 252-253)
« Le sociologisme parachève le jeu idéologique du libéralisme. D’abord les médias conditionnent. Puis le sociologisme “découvre” scientifiquement, comme expression “spontanée”, la réalité imposée par l’idéologie dominante […].
Le libéralisme peut ainsi se camoufler derrière le sociologisme. En même temps que l’opinion devient libérale elle est habilitée par la connaissance scientifique. Tout se passe comme si le fait de connaître scientifiquement l’opinion rendait l’opinion scientifique. »

Julius Evola, Chevaucher le tigre (Page 219)
« Venons-en maintenant au domaine social proprement dit. On ne peut pas, ici, ne pas tirer les conséquences du fait que toutes les unités organiques se sont dissoutes ou sont en voie de l’être : caste, lignage, nation, patrie, famille même. Là où ces unités n’ont pas, presque ouvertement, cessé d’exister, elles ne reposent plus sur une force vive rattachée à une signification, mais bien sur la simple force d’inerties. Nous l’avons déjà vu à propos de la personne : ce qui existe aujourd’hui, c’est essentiellement la masse instable des “individus” privés de liens organiques, masse contenue par des structures extérieures ou mue par des courants collectifs informes et changeants. »

Juan Donoso Cortés, Théologie de l’histoire et crise de civilisation (Pages 190-191)
« L’homme a voulu être libre ? Il le sera. Il abhorre les liens ? Ils tomberont tous en poussière à ses pieds. Un jour, pour essayer sa liberté, il a voulu tuer son Dieu. Ne l’a-t-il pas fait ? Ne l’a-t-il pas crucifié entre deux voleurs ? Des légions d’anges sont-elles descendues du ciel pour défendre le juste mourant sur la terre ? Eh bien, pourquoi descendraient-elles aujourd’hui qu’il s’agit, non pas du crucifiement de Dieu, mais du crucifiement de l’homme par l’homme ? Pourquoi descendraient-elles aujourd’hui quand notre conscience nous crie si haut que, dans cette grande tragédie, personne ne mérite leur intervention, ni ceux qui doivent être les victimes, ni ceux qui doivent être les bourreaux ? »

Ernest Hello, Le Jour du Seigneur (Pages  9-10)
« Après un tremblement de terre, les survivants se regardent avec étonnement. Mille sentiments, très serrés les uns contre les autres, surgissent en un instant sur le même point du temps et de l’espace. Voici l’une des expressions confuses, indéterminées, rapides et ardentes qui se font jour, dès que le jour devient possible, dans les âmes épouvantées : Comment vivrons-nous désormais ? Une immense catastrophe exige et promet quelque immense rénovation. Il semble impossible de suivre, après l’abîme, la route ancienne qui a mené à l’abîme. Les discours ont été inutiles. L’autorité des faits semble imposer une rénovation. L’esprit s’ouvre à la fois aux désespoirs les plus profonds et aux espérances les plus audacieuses. Tout est perdu, à moins que tout ne soit sauvé. Une seule chose paraît impossible, c’est la continuation du passé. Cette chose est précisément la seule qui se soit réalisée. Examinez les âmes ; examinez les livres ; examinez les journaux. Chacun pense ce qu’il pensait, chacun dit ce qu’il disait, chacun est ce qu’il était. Comme l’eau qui se referme, après l’immersion d’une pierre lancée et engloutie, la foule s’est refermée sur les événements avec indifférence. Elle n’a rien appris et rien oublié. »

Ernst Jünger, Rivarol et autres essais (Page 66)
« Le mot “conservateur” ne fait pas partie des vocables les plus heureux. Il recèle un caractère axé sur le temps et se propose de restaurer des formes et des situations devenues impossibles à maintenir. Aujourd’hui, le plus faible est a priori celui qui veut encore maintenir quelque chose. Voilà pourquoi il est bon de chercher à dissocier le mot de la tradition. Il s’agit plutôt de trouver, voire de retrouver ce qui fut et sera de tout temps à la base d’un ordre sain. Mais c’est là quelque chose d’extratemporel, auquel nulle régression ni progression ne mène. Les divers mouvements ne font que tourner autour. Seuls changent les moyen et les noms. En ce sens, il convient d’approuver la définition d’Albrecht Günther qui comprend pas l’esprit conservateur comme un “attachement à ce qui fut hier, mais comme une vie faite de ce qui à jamais valable”. Or seul peut être valable à jamais ce qui a été affranchi du temps. L’extratemporel revendique aussi son dû. Et alors, d’une façon néfaste, même quand on n’en tient pas compte. La volonté de maintenir ce qui est advenu inadmissible rend stérile la critique conservatrice qui est souvent alliée à la beauté et à l’acuité spirituelle. On pénètre dans les palais à demi écroulés, devenus inhabitables. »

Thomas Molnar, La Contre-révolution (Pages 285-286)
« La psychanalyse, le marxisme, l’existentialisme, le structuralisme, ou bien réduisent l’homme à des éléments dans lesquels il ne se reconnaît plus lui-même, vers lesquels le sens du moi, la conscience, ne peuvent jeter aucun pont ou bien diminuent l’homme jusqu’à le dissoudre dans une structure indépendante de lui et qui le dépasse. L’entreprise radicalement terroriste dont il s’agit a commencé avec le marquis de Sade qui, incapable de s’attaquer à Dieu, a tenté de détruire son image dans ses créatures ; les descendants modernes de Sade ne font plus à Dieu ce compliment de l’attaquer directement, mais, toujours incapables de détruire l’homme, ils se rabattent sur les propres créations de l’homme, celles de sa raison : la philosophie, l’histoire, l’art et la littérature. »

Antoine Blanc de Saint-Bonnet, De la Restauration française (Page 132)
« Le mal est religieux, la révolution est religieuse, le remède est religieux, nous ne guérirons que religieusement. »

Philippe Muray, Le XIXe siècle à travers les âges (Page 279)
« Voilà la crise dans son ensemble et en détail : la volonté de chacun d’avoir des opinions, la décision de chaque sujet de se montrer indépendant, la libre pensée ne faisant jamais rien d’autre dans sa recherche de la liberté que remplacer l’ancienne religion par la superstition, c’est-à-dire des bouts de croyance choisis pour leur commodité subjective et remontés dans un ordre qui paraît naturel. »

José Ortega y Gasset, La Révolte des masses (Page 209)
« J’ai tenté d’esquisser un nouveau type d’homme qui prédomine aujourd’hui dans le monde ; je l’ai appelé l’homme-masse, et j’ai fait remarquer que sa principale caractéristique consiste en ce que, se sachant vulgaire, il proclame le droit à la vulgarité, et se défend de se reconnaître des instances supérieures. »

Saint Jean Chrysostome, Homélie
« Triste spectacle que celui de Jésus sur la croix ; pour vous en détourner et vous faire connaître la puissance du Crucifié, sur la croix même il fait ce miracle qui, plus que tout autre, était fait pour montrer l’étendue de sa puissance. Ce n’est pas en ressuscitant un mort, en commandant aux vents et à la mer, en chassant les démons, mais c’est crucifié, percé de clous, couvert d’outrages, de crachats, d’insultes et de honte, qu’il peut révoquer le jugement qui accablait le voleur. Afin que de toutes parts on vît sa puissance, il ébranla en même temps toute la création, il brisa les rochers, et l’âme du bon voleur, plus dure que la pierre, il l’attira, il la remplit d’honneur en lui disant : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. Les chérubins sans doute gardaient le paradis, mais il est le maître des chérubins ; ils y faisaient tournoyer le glaive de feu, mais il a tout pouvoir sur le feu et sur l’enfer, sur la vie et sur la mort. Sans doute aucun roi n’a jamais permis à un voleur ou à l’un de ses serviteurs de s’asseoir à ses côtés lorsqu’il fait son entrée dans sa capitale. Mais le Christ l’a fait : en entrant dans la sainte Patrie, il y introduit un voleur à ses côtés, et ce n’est pas déshonorer le paradis ni le souiller, c’est l’honorer, car c’est une gloire pour le paradis d’avoir un maître qui puisse rendre un voleur digne du bonheur qu’on y goûte. Lorsqu’il introduisait les publicains et les prostituées dans le royaume des cieux, ce n’était pas non plus un déshonneur, c’était une gloire pour le royaume, car il montrait ainsi que le maître du royaume des cieux était si puissant qu’il pouvait changer les publicains et les pécheresses au point de les rendre dignes d’une telle gloire et d’une telle récompense. Nous admirons surtout un médecin lorsque nous le voyons rendre la santé à des hommes souffrant de maladies incurables. Il est donc juste d’admirer le Christ quand il guérit des plaies incurables, quand il ramène le publicain et la prostituée à une telle santé spirituelle qu’alors ils paraissent dignes du ciel. »

Carl Schmitt, La Notion de politique (Pages 94-95)
« Ce serait une stupidité de croire qu’un peuple sans défense n’aurait que des amis, et il serait bas et malhonnête de compter que l’ennemi se laisserait peut-être attendrir par la non-résistance. Personne n’ira croire que les hommes puissent, par exemple, changer le monde et y créer une situation de moralité pure en renonçant à toute productivité esthétique ou économique ; combien moins encore un peuple renonçant à toute décision politique saurait-il placer l’humanité dans une situation où régnerait la moralité pure ou l’économie pure. Qu’un peuple n’ait plus la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique ce n’est pas la fin du politique dans le monde. C’est seulement la fin d’un peuple faible. »

Georges Sorel, Réflexions sur la violence (Page 172)
« Les socialistes ont longtemps eu de grands préjugés contre la morale, en raison de ces institutions catholiques que de grands industriels établissaient chez eux ; il leur semblait que la morale n’était, dans notre société capitaliste, qu’un moyen d’assurer la docilité des travailleurs maintenus dans l’effroi que crée la superstition. La littérature dont raffole la bourgeoisie depuis longtemps décrit des mœurs si déraisonnables, ou même si scandaleuses, qu’il est difficile de croire que les classes riches puissent être sincères quand elles parlent de moraliser le peuple. »

Andreï Tarkovski, Le Temps scellé (Page 55)
« La fonction de l’art n’est pas, comme le croient même certains artistes, d’imposer des idées ou de servir d’exemple. Elle est de préparer l’homme à sa mort, de labourer et d’irriguer son âme, et de la rendre capable de se retourner vers le bien. »

Abbé Victor-Augustin Vié, Panégyrique (8 Mai 1886)
« Quand une âme doit s’élever au-dessus du vulgaire, Dieu lui donne d’abord, comme deux ailes, la simplicité et la pureté : c’est le premier trait qu’il dessine, et déjà l’esquisse est digne de l’artiste divin. Pour faire un chef- d’œuvre, il prend d’abord ce que Bossuet appelle un cœur vierge, ce qu’il compare à une glace parfaitement nette, à un diamant sans tache, à une fontaine limpide, à un miroir qui réfléchit le ciel. Mais cette pureté n’est pas encore la beauté. Ce n’est pas le prisme qui est beau, c’est la lumière qui se décompose en le traversant ; ce n’est pas le lac, c’est le ciel sans nuage qui s’y reflète ; ce n’est pas le vase d’albâtre, c’est la flamme intérieure qui brille à travers ses parois transparentes. Quand une âme est pure, allumez en elle un grand amour qui l’embrase et la fasse resplendir, et vous aurez la première apparition de la beauté morale. »

Tertullien, La Chair du Christ (Page 281)
« Pourquoi le Fils de Dieu est-il né d’une Vierge ? Il fallait un mode tout nouveau de naissance à celui qui allait consacrer un nouvel ordre de naissance. Isaïe avait prophétisé que le Seigneur annoncerait cette merveille par un signe. Quel signe ? « Voici qu’une vierge va concevoir et enfanter un fils. » Oui, la Vierge a conçu et enfanté l’Emmanuel, Dieu avec-nous (Is 7,14 ; Mt 1,23). Le voilà, ce nouvel ordre de naissance : l’homme naît en Dieu parce que Dieu naît en l’homme ; Dieu se fait chair pour régénérer la chair par la semence nouvelle de l’Esprit et laver toutes ses souillures passées. Tout cet ordre nouveau a été préfiguré dans l’Ancien Testament, car dans le dessein divin le premier homme est né pour Dieu par l’intermédiaire d’une vierge. En effet, la terre était encore vierge, le travail de l’homme ne l’avait pas touchée, la semence n’y avait pas été jetée, quand Dieu la pris pour en façonner l’homme et en faire « un être vivant » (Gn 2,5-7). Si donc le premier Adam a été formé de la terre, il est juste que le second, celui que l’apôtre Paul appelle « le nouvel Adam » soit lui aussi tiré par Dieu d’une terre vierge, c’est-à-dire d’une chair dont la virginité demeurait inviolée, pour devenir « Esprit qui donne la vie » (1Co 15,45). Quand il a voulu recouvrer « son image et sa ressemblance » (Gn 1,26) tombée au pouvoir du démon, Dieu a agi de la même façon qu’au moment où il l’avait créé. Ève était encore vierge quand elle a accueilli la parole qui allait produire la mort ; c’était donc aussi dans une vierge que devait descendre la Parole de Dieu qui allait élever l’édifice de la Vie. »

Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen, son rôle social (Pages 561-565)
« Le Juif est de nature incapable de travail productif. Il est courtier, spéculateur, il n’est pas ouvrier, pas agriculteur. Organisé pour s’emparer habilement du fruit du travail d’autrui, le Juif ne peut exister sans une population bien plus nombreuse d’inférieurs qui sèment, récoltent, tissent et construisent pour lui. […]
Chez nous plus que partout il faut comparer le nombre des Juifs à celui des bourgeois et non à celui de l’ensemble de la population. Ce qui tend sans cesse à faire exagérer encore l’importance si grande de l’élément juif, comme de l’élément protestant c’est qu’on oublie qu’ils représentent des état-majors sans soldats. »

Max Weber, Le Savant et le Politique (Page 91)
« Abraham ou les paysans d’autrefois sont morts “vieux et comblés par la vie” parce qu’ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce que celle-ci leur avait apporté au déclin de leurs jours tout le sens qu’elle pouvait leur offrir et parce qu’il ne subsistait aucune énigme qu’ils auraient encore voulu résoudre. Ils pouvaient donc se dire “satisfaits” de la vie. L’homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement d’une civilisation qui s’enrichit continuellement de pensées, de savoirs et de problèmes, peut se sentir “las” de la vie et non pas “comblé” par elle. En effet il ne peut jamais saisir qu’une infime partie de tout ce que la vie de l’esprit produit sans cesse de nouveau, il ne peut saisir que du provisoire et jamais du définitif. C’est pourquoi la mort est à ses yeux un événement qui n’a pas de sens. »

Juan Donoso Cortès, Discours sur la Bible
« Il y a dans l’homme trois sentiments poétiques par excellence : l’amour de Dieu, l’amour de la femme et l’amour de la patrie : le sentiment religieux, le sentiment humain, le sentiment politique. Partout où la connaissance de Dieu s’obscurcit, partout où le visage de la femme est couvert d’un voile, partout où les nations sont esclaves, la poésie est une flamme qui s’éteint faute d’aliment. Là, au contraire, où Dieu est connu, où la femme est respectée, où le peuple est libre, la poésie a de chastes roses pour la femme, des palmes glorieuses pour les nations, des ailes splendides pour s’élever aux plus hautes régions des cieux. »

Tertulien, Apologétique
« Mais enfin, dira-t-on, le Christianisme est-il bon par cela qu’il attire à lui la multitude ? Combien d’hommes se tournent vers le mal ! Que de transfuges de la vertu ! – Qui le conteste ? Mais cependant parmi ceux mêmes que le vice précipite, il n’en est pas un qui ose le donner pour la vertu. La nature a répandu sur toute espèce de mal la crainte ou la honte. Le méchant cherche les ténèbres ; découvert, il tremble ; accusé, il nie ; sous les instruments qui le torturent, il n’avoue ni facilement, ni toujours ; condamné, il s’attriste, il se tourne contre lui-même ; les emportements et les égarements des passions, il les impute à la fatalité, à son étoile, parce qu’il ne veut point accepter comme venant de lui le mal qu’il reconnaît. A-t-on jamais rien vu de semblable parmi les Chrétiens ? Pas un qui rougisse, pas un qui se repente, sinon de n’avoir pas toujours été Chrétien. Dénoncé, il s’en fait gloire ; accusé, il ne se défend pas ; interrogé, il confesse hautement ; condamné, il rend grâces. Étrange espèce de mal qui n’a aucun des caractères du mal, ni crainte, ni honte, ni détours, ni regret, ni repentir ; singulier crime, dont le prétendu coupable se réjouit, dont l’accusation est l’objet de ses vœux, le châtiment son bonheur. »

Jean-Jacques Stormay, Abécédaire mal-pensant
« Toute notre vie se passe à apprendre à mourir, à nous disposer à bien mourir, à apprendre à faire le bon choix dans l’instant de la mort. Si l’essentiel de la vie est dans l’acte de mourir, c’est, encore une fois, parce que la vie a en soi-même la structure d’une victoire sur la mort qu’à ce titre elle plébiscite. Mais mourir est renoncer à soi, se conquérir dans l’acte de se quitter, et cela s’apprend tout au long de la vie, et cet exercice s’appelle opportunément l’ascèse. Mais on ne s’arrache aux biens finis que si l’on est capable de les aimer, de sorte que le Paradis appartient aux Violents, aux grands amoureux de la vie, à ceux qui savent aimer le monde pour s’en détacher, car c’est à l’énergie investie dans les désirs du monde que le désir de le quitter puise sa vitalité, sa vertu de revenir sur soi pour s’élancer plus haut. Il faut bien aimer les choses terrestres ; les tressaillements de la chair, l’ambition et la gloire, la science et la joie de vaincre, l’ivresse du combat et le repos des guerriers pour savoir les offrir en les crucifiant. Cela dit, la Providence nous aide en nous ménageant des croix, parce que nous sommes trop enclins à nous reposer dans la réitération du désir du fini, et le grand art du souci d’être heureux, c’est évidemment de savoir les accepter. Chaque croix est comme une anticipation de la mort, une manière pour le voyage de relancer son désir d’avancer en faisant se préfigurer, dans les moments de la vie, le contenu de son terme. Et en cela il est permis de comprendre que la souffrance a un sens, une signification et une direction, une raison d’être qui la rend bienheureuse parce que rationnelle. La grande tentation de l’esprit humain, c’est de remettre en cause le bien-fondé de l’acte de vivre en s’achoppant à l’expérience du mal, non seulement du mal moral dont on sait au fond qu’il est notre fait et non celui de Dieu, mais du mal dont on peut se croire innocent, et dont on est parfois innocent en tant qu’individu. Et c’est cette tentation qui, en dernier ressort, constitue le principal obstacle au désir qui est un devoir d’être heureux. »

Saint Augustin, Sermon
« Ce n’est pas sans raison que Jésus, la Vie, est allée à la mort. Ce n’est pas sans raison que la Source de vie boit ce calice qu’elle ne méritait pas. Car le Christ ne méritait pas de mourir. D’où vient la mort ? Cherchons son origine. Le père de la mort, c’est le péché. Si le péché n’avait pas existé, personne ne mourrait. Lorsque le premier homme reçut la loi de Dieu, le commandement de Dieu, ce fut avec cette condition qu’il vivrait s’il l’observait, qu’il mourrait s’il le méprisait. Mais, s’imaginant qu’il ne mourrait pas, il fit ce qui méritait la mort, et il s’aperçut que Celui qui lui avait donné sa loi avait dit vrai. Ce fut l’origine de la mort, de notre condition mortelle, de nos peines, de notre misère, enfin de cette seconde mort qui suit la première, c’est-à-dire de la mort éternelle après la mort temporelle.
Donc, tout homme qui vient au monde est déjà astreint à subir la mort, sujet des lois de l’enfer, mais pas tout homme, cependant ; il est une exception : Celui qui s’est fait homme afin que l’homme ne périsse pas. Celui-là, quand il vint au monde, n’était pas astreint à subir la mort. C’est pourquoi il est écrit dans le psaume : libre entre les morts. Celui-là fut conçu en dehors des désirs de la chair par une vierge, fut enfanté par une vierge qui resta vierge. Il vécut sans péché, il n’est pas mort à cause de son péché, car il a participé à notre châtiment, non à notre péché. Le châtiment du péché, c’est la mort. Le Seigneur Jésus-Christ est venu pour mourir, non pour pécher ; en prenant part, quoique innocent, à notre châtiment, il nous a délivrés à la fois du péché et du châtiment. De quel châtiment nous a-t-il délivrés ? De celui qui nous était dû après la vie présente. Il a donc été crucifié pour rendre manifeste, sur la croix, la destruction du vieil homme pécheur, ensuite il est ressuscité pour rendre manifeste par sa vie le renouvellement de notre vie. C’est ce que nous enseigne l’Apôtre : Il a été livré pour nos péchés et il est ressuscité pour notre justification. »

Stepinac, Écrits de Paris (n°777, juillet 2014)
« L’une des vraies raisons des mesures de laxisme moral (avortement généralisé, euthanasie, « mariage » entre invertis, libéralisation de certaines drogues, etc.) favorisées par les États aujourd’hui consiste peut-être en ceci : constatant que l’excitation consumériste est incapable désormais d’élever le niveau de vie matérielle du plus grand nombre, les États se savent impuissants à endormir la pulsion égalitaire insurrectionnelle qui couve dans les sociétés consuméristes, de sorte que ces États retardent les effets de cette pulsion égalitaire en tentant de la noyer dans des dispositions sociétales hédonistes non marchandes. »

Maurice Bardèche, Défense de l’Occident (Février 1954)
« Ceux que le train de ce monde ne satisfait pas, s’ils sont sincères et s’ils refusent de se taire, s’ils refusent aussi de s’affilier à quelque jésuitière tutélaire, il ne leur reste qu’à s’engager dans ces légions maudites qui furent de tous temps le dernier refuge de la liberté. Qu’ils sachent alors qu’ils parleront pour la justice et la vérité, mais qu’ils parleront devant des portes closes, comme des mendiants auxquels on n’ouvre pas. […] Qu’ils sachent qu’ils n’auront droit ni à la publicité polie qui récompense les carrières décentes, ni à cet avancement qu’on reçoit à l’ancienneté à force de modestie et de soumission. Qu’ils sachent qu’ils seront pauvres. Qu’ils sachent qu’ils seront seuls. […] Qu’ils sachent tout cela, et qu’ils se lèvent : car tout ce qui a été fait en ce monde a été fait par eux. »

Martin Lings, Croyances anciennes et superstitions modernes
« Le monde d’aujourd’hui est un chaos d’opinions et d’aspirations désordonnées : le soi-disant « monde libre » est un chaos fluide ; la partie totalitaire du monde moderne est un chaos rigide. Par opposition, le monde ancien constituait toujours un ordre, c’est-à-dire une hiérarchie de concepts, chacun au niveau qui lui est propre. Le chaos a été provoqué, nous l’avons vu, par le « télescopage » humaniste de la hiérarchie jusqu’au niveau psychique, et par l’intrusion, dans les considérations terrestres, d’aspirations vers l’autre monde, frustrées et perverties.
L’homme, en raison de sa véritable nature, ne peut pas ne pas adorer ; si sa perspective est coupée du plan spirituel, il trouvera un « dieu » à adorer à un niveau inférieur, dotant ainsi quelque chose de relatif ce qui seul appartient à l’Absolu. D’où l’existence aujourd’hui de tant de « mots tout-puissants » comme « liberté », « égalité », « instruction », « science », « civilisation », mots qu’il suffit de prononcer pour qu’une multitude d’âmes se prosterne en une adoration infra-rationnelle.
Les superstitions de la liberté et de l’égalité ne sont pas seulement le résultat mais aussi, en partie, la cause du désordre général, car chacune, à sa manière, est une révolte contre la hiérarchie ; et elles sont d’autant plus pernicieuses qu’elles sont des perversions de deux des élans les plus élevés de l’homme. Corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur est la pire ; mais il suffit de rétablir l’ordre ancien, et les deux idoles en question s’évanouiront de ce monde (laissant ainsi la place aux aspirations terrestres légitimes vers la liberté et l’égalité) et, transformées, reprendront leur place au sommet même de la hiérarchie. »

Louis Salleron, La nouvelle messe (Page 67)
« On aurait pu penser que l’influence soviétique et l’influence américaine se neutraliseraient partiellement, tant apparemment sont opposées l’URSS et les USA. Mais l’opposition est plutôt une rivalité et qui porte sur les formes de la vie politique et économique. Certes on ne peut identifier les deux pays, mais leur philosophie profonde est la même, en ceci du moins que c’est un humanisme démocratique. Humanisme athée en URSS, humanisme déiste aux USA, mais Pascal déjà noté la ressemblance qui existe entre l’athéisme et un déisme sans dogme. En faite, entre le matérialisme proclamé de l’athéisme soviétique et le matérialisme latent du déisme américain, il y a des affinités profondes. Le commun dénominateur de leur religion respective est un anthropocentrisme (l’homme au centre de tout) caractérisé qui est, lui, en opposition radicale avec le théocentrisme (Dieu au centre de tout) du catholicisme. Une même doctrine de l’immanence sous-tend cet anthropocentrisme face au transcendantalisme chrétien. Teilhard de Chardin symbolise bien la convergence des courants soviétiques et américains. Son monisme immanentiste (le monde est un tout, chacun pense les choses comme il les ressent) s’accorde avec l’athéisme des un et le déisme des autres. Il suffit de changer l’étiquette du flacon pour que le contenu en soit acceptable aux et aux autres. Et ce contenu, à cause de l’étiquette originelle de l’auteur, semble convenir aux catholiques eux-mêmes. Telle est la confusion dans laquelle nous baignons. »

Jaime Semprun, L’abîme se repeuple (Page 20)
« Parmi les choses que les gens n’ont pas envie d’entendre, qu’ils ne veulent pas voir alors même qu’elles s’étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci : que tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien simplifié la vie qu’il n’y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n’est déjà plus une civilisation ; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c’est celui qui en somme ratifie tous les autres. C’est pourquoi, quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? » il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? » »

Jean Baudrillard, Le crime parfait
« Avec la Réalité Virtuelle et toutes ses conséquences, nous sommes passés dans l’extrême de la technique, dans la technique comme phénomène extrême. Au-delà de la fin, il n’y a plus de réversibilité, ni de traces, ni même de nostalgie du monde antérieur. Cette hypothèse est bien plus grave que celle de l’aliénation technique, ou de l’arraisonnement heideggerien. C’est celle d’un projet de disparition irréversible, dans la plus pure logique de l’espèce. Celle d’un monde absolument réel, où nous aurions succombé à la tentation de ne pas laisser de traces. »

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