Architecture

Giancarlo Consonni, La beauté civile
« Comment expliquer que ces soixante dernières années, alors qu’on a assisté à une esthétisation exacerbée de ce qui concerne les personnes physiques (mode, chirurgie esthétique, tatouages, etc.), la beauté compte précisément parmi les absences les plus criantes dans les transformations qu’ont subies les paysages et les habitats humains ? On peut donner une première explication : narcissisme et individualisme se sont affirmés outre mesure, au détriment d’une identité et d’un orgueil partagés. Et cela parce qu’il n’y a plus – ou elle est trop faible – de volonté collective qui cherche à se représenter dans les villes et les lieux, et donc voie dans leur beauté un élément qui contribue à rendre la vie fascinante et digne d’être vécue, la faisant ainsi devenir un miroir dans lequel se reconnaître. À l’époque médiévale, les villes rivalisaient entre elles en matière de beauté ; et une compétition analogue s’engageait à l’intérieur de chacune d’elles : entre corporations, entre quartiers. Par la suite, même les pouvoirs oligarchiques – le Prince, le Souverain – se sont sentis obligés de promouvoir l’embellissement des villes pour accroître leur crédit. La même raison a conduit la bourgeoisie à ajouter un chapitre important au livre de la beauté urbaine. Pendant une longue phase historique, les lieux de l’habiter partagé en ont tiré avantage. Aujourd’hui la compétition se concentre sur autre chose : le souci obsessionnel du corps, les vêtements, la possession d’objets, tandis que l’architecture restreint son champ d’action à des organismes isolés conçus de plus en plus pour se distinguer, pour se faire remarquer, coûte que coûte, dans une indifférence complète à l’égard de la ville. S’explique ainsi pourquoi le beau cède le pas à l’extravagant et au monstrueux (que l’on confond avec le sublime), et, plus communément, au négligé, avec pour résultat que ce sont surtout les lieux et les paysages qui en font les frais. »

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